June 22nd 1960 – The Election of Jean Lesage

— EXCLUSIVE ENGLISH TRANSLATION —

This is a slight English revision dated 30 May 2017.  Emphases, bold
and underscores are mine for research purposes.

 

June 22nd 1960 — the Election of Jean Lesage :  “a change of life” ?
Web site of La Fondation Lionel-Groulx, in the section “History of Québec”, “Ten days which made Québec”
 
Le 22 juin 1960 — L’élection de Jean Lesage : « un changement de la vie »?
Site Web de La Fondation Lionel-Groulx, à sa section “Histoire du Québec”.  “Dix journées qui ont fait le Québec”

 

Original

Translation

Le 22 juin 1960 — L’élection de Jean Lesage :  « un changemen de la vie »?

June 22nd 1960 — the Election
of Jean Lesage :  “a change of life”?

Conférence d’Éric Bédard

Auditorium de la Grande Bibliothèque

Montréal, 28 mars 2013

Lecture by Éric Bédard

Auditorium of the Grand Bibliothèque

Montreal, 28 March 2013

Dans un essai marquant publié en 1978, l’historien François Furet annonçait que la Révolution française était terminée [1].  La formule n’a pas manqué d’étonner puisque cette grande secousse politique et sociale était survenue deux siècles plus tôt.  Toutefois, si les événements de la Révolution française n’avaient duré que quelques années, leur sens avait long­temps divisé les Français.  Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la Révolution française avait eu ses partisans inconditionnels et ses adversaires résolus.  Partagés en deux camps résolument hostiles, celui des Modernes et des Anciens, les Français n’avaient cessé de se quereller sur son interprétation.  Résultat :  jusqu’à l’instauration de la Ve République, les régimes s’étaient succédés.  De la République sociale de 1848 au régime autoritaire de Vichy, la France avait servi de laboratoire aux expériences politiques les plus saugrenues.  Or Furet constatait que, pour le plus grand bien de son pays, cette polarisation s’était enfin éclipsée.  Un consensus s’était finalement imposé autour de l’idée républicaine.  La démocratie libérale était là pour rester.  De plus, il était désormais possible d’étudier la Révolution française de manière dépassionnée, c’est-à-dire de distinguer sa phase positive et libérale de sa phase sanguinaire et totalitaire.  Sans passer pour un réactionnaire renfrogné ou un mauvais Français, il était possible de concevoir la Révolution française autrement que comme un bloc, à prendre ou à laisser. In an outstanding essay published in 1978, historian François Furet announced that the French revolution was over [1].  The pronouncement did not fail to astonish since this great political and social upheaval had occurred two centuries earlier.  However, if the events of the French Revolution had lasted only a few years, their meaning had long divided the French.  Until the Second World War, the French Revolution had had its unconditional partisans and its resolute adversaries.  Divided into two determinedly hostile camps, that of the Moderns and the Olds, the French had not ceased to quarrel over its interpretation.  The result:  until the introduction of Vth Republique, one regime had followed another.  From the Social Republic of 1848 to the authoritarian regime of Vichy, France had been used as a laboratory for the most absurd political experiments.  However Furet noted that for the greater good of his country, this polarization had finally been eclipsed.  A consensus had at last been imposed concerning the republican idea.  Liberal democracy was here to stay.  Moreover, it was from now on possible to study the French Revolution dispassionately, i.e. to distinguish its positive and liberal phase from its sanguinary and totalitarian phase.  Without passing for a sullen reactionary or a bad Frenchman, it was possible to conceive the French Revolution other than as a block, to take or to leave.
L’élection du 22 juin 1960 marque le début de la Révolution tranquille.  Cet événement mythique occupe toujours une place centrale dans la mémoire collective des Québécois et fait périodiquement l’objet de vigoureux débats, d’âpres discussions, de virulentes confrontations sur son sens, ses réalisation, ses ratés.  À tous les 10 ans, on commémore cet événement.  Il y deux ans, le public avait été convié par la Grande bibliothèque du Québec à une série de conférences qui soulignaient le 50e anniversaire de la Révolution tranquille.  En 2000, un grand colloque organisé à l’UQAM avait donné lieu à d’intéressants débats.  Parce que ces discussions ont toujours cours, nous sommes tous les contemporains de la Révolution tranquille.  Voilà un événement chargé et très investi qui ne laisse personne indifférent.  Toutefois, contrairement à la Révolution française étudiée par Furet, aucun consensus ne s’est encore dégagé quant à son sens.  Il est encore difficile, voire impossible, de distinguer les différents héritages de la Révolution tranquille et de départager, de manière dépassionnée, ses zones d’ombre et de clarté.  Pour les uns, il faut tout simplement « liquider » ou « oublier » la Révolution tranquille et « réhabiliter » la « Grande Noirceur » [2].  Pour d’autres, il faut absolument lui rester fidèle, sans quoi l’on tournerait le dos au Québec moderne, c’est-à-dire au seul vrai Québec digne d’être aimé [3].  En somme, s’agissant de cet événement mythique, une évidence s’impose à nous :  la Révolution tranquille n’est toujours pas terminée. The election of June 22nd, 1960 marks the beginning of the Quiet Revolution.  This mythical event still occupies a central place in the collective memory of Quebecers and is discussed periodically in vigorous debates, virulent confrontations on its meaning, its achievements, its failures.  Every 10 years, this event is commemorated.  Two years ago, the public had been invited by the Grand Bibliothèque of Quebec to a series of conferences marking the 50th anniversary of the Quiet Revolution.  In 2000, a major conference organized at UQAM had produced interesting arguments.  Because these discussions are still underway, we are all contemporaries of the Quiet Revolution.  Here you have a highly charged and valorized event which leaves no one indifferent.  However, unlike the French Revolution studied by Furet, no consensus has yet emerged as to its meaning.  It is still difficult, even impossible, to distinguish the various legacies of the Quiet Revolution and to decide, dispassionately, which of its zones are in light and which in shadow.  For some, the Quiet Revolution must simply be “liquidated” or “forgotten” and the “Great Darkness” rehabilitated [2].  For others, it is absolutely necessary to remain faithful to it, or else turn one’s back on modern Quebec, i.e. on the only true Quebec worthy of being loved [3].  All in all, with respect to this mythical event, one obvious fact compels us:  the Quiet Revolution is still not over.

Antonio Barrette (1899-1968)

Antonio Barrette (1899-1968)

Source : Wikimedia Commons

Antonio Barrette (1899-1968)

Antonio Barrette (1899-1968)

Source : Wikimedia Commons

Proposer une conférence sur cette journée du 22 juin 1960, c’est donc s’avancer sur un terrain miné.  C’est pourquoi, plutôt que de formuler une ixième interprétation de ces événements chargés, j’ai plutôt choisi de coller au contexte de cette élection, à l’humeur de l’électorat ainsi qu’aux partis et aux personnalités en présence.  Deux raisons motivent ce choix.  D’une part, je souhaite améliorer notre connaissance factuelle de l’année 1960.  Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette année charnière et les événements de la Révolution tranquille ont été assez peu étudiés par les historiens.  « On ne peut pas ne pas être étonné par le fait que nous ne disposions pas d’une histoire un tant soit peu satisfaisante de cette Révolution tranquille, constate l’historien Yvan Lamonde.  Des coups de pinceaux ça et là, mais point d’œuvre d’ampleur achevée.  Beaucoup de “donneurs de sens”, peu de producteurs de savoir » [4].  D’autre part, je voudrais qu’on voie le Québec de 1960 tel que les électeurs et les acteurs de l’époque le voyaient.  La défaite de l’Union nationale, aimerais-je montrer, n’était pas écrite dans le ciel ; elle n’avait rien d’une nécessité historique.  Lorsque le premier ministre Antonio Barrette déclenche les élections en avril 1960, la victoire libérale était loin d’être assurée. To offer a lecture on this date of June 22nd, 1960 is thus to advance onto mined territory.  This is why, rather than formulate an umpteenth interpretation of these charged events, I have chosen instead to stick to the context of this election, to the mood of the electorate and to that of the parties and the personalities involved.  Two reasons justify this choice.  On the one hand, I would like to improve our factual knowledge of the year 1960.  Contrary to what one would think, this pivotal year and the events of the Quiet Revolution have been sparsely studied by historians.  “One cannot but be astonished by the fact that we have no satisfactory history as such of this Quiet Revolution,” notes historian Yvan Lamonde.   “A few brush strokes here and there, but no great canvas has been completed.”   Many “bestowers of meaning”, few producers of knowledge” [4].  On the other hand, I would like to see the Quebec of 1960 the way the voters and the actors of the time saw it.  The defeat of the Union Nationale, I would like to show, was not written in the heavens; it had nothing of an historical necessity.  When Premier Antonio Barrette launched the elections in April 1960, the Liberal victory was far from assured. [1]

L’État du Québec en 1960 [5]

The Quebec Government in 1960 [5]

La grande contribution des historiens de la génération qui me précède a été de montrer que le Québec n’est pas subitement entré dans la modernité le 22 juin 1960.  La société québécoise s’était beaucoup transformée au cours de la décennie précédente.  Quelques données de base permettent de saisir l’ampleur de ces transformations. The great contribution of the historians of the generation which precedes me was to show that Quebec did not suddenly enter modernity on June 22nd, 1960.  Quebec society had changed a great deal in the course of the previous decade.  A few basic facts make it possible to grasp the scope of these transformations.
En 1960, la population québécoise est diversifiée, jeune et de plus en plus en santé et éduquée.  L’émigration des Canadiens français vers les États-Unis, qui avait tant inquiété les élites du 19e siècle, est depuis longtemps terminée.  Les Québécois ne quittent plus le territoire national et les nouveaux arrivants sont nombreux :  entre 1945 et 1960, 403 934 « Néo-Canadiens » s’installent au Québec.  Le Québec de 1960 est jeune.  Le recensement de 1961 montre que 44% de la population avait moins de 18 ans.  Ce baby boom est dû en grande partie à une baisse drastique de la mortalité infantile, attribuable à une généralisation des vaccins et à une amélioration de la qualité du lait dispensé aux enfants [6].  Comme dans les autres pays occidentaux, l’espérance de vie des Québécois s’est beaucoup accrue.  Pour un garçon qui naît en 1961, elle est de 67,3 ans, pour une fille, de 72,8 ans ; en 1931, elle était de 56,2 ans pour les garçons, de 57,8 ans pour les filles.  Depuis 1940, l’instruction est obligatoire.  De 1950 à 1960, la population scolaire de moins de 15 ans est passée de 50,4% à 61,9% [7].  Évidemment, le tableau n’est pas complètement rose.  Les « Néo-Canadiens » s’intègrent surtout à la minorité anglophone, après avoir fréquenté leur réseau scolaire.  Les frais de santé sont assumés par les congrégations religieuses (souvent débordées), les municipalités et les patients eux-mêmes.  Plusieurs rapports des années 1950 indiquent un manque de lits [8].  Un système injuste que plusieurs souhaitent revoir, notamment le gouvernement fédéral comme nous le verrons plus loin.  Les jeunes Québécois sont peut-être plus éduqués qu’avant mais leur taux de scolarisation accuse de sérieux retard par rapport à celui de l’Ontario.  En 1960, 15% des Québécois disposent d’un diplôme secondaire comparativement à 26% des Ontariens ; 5% des Québécois possèdent un diplôme universitaire comparativement à 9% des Ontariens [9]. In 1960, the population of Quebec is diversified, young and increasingly healthy and educated.  The emigration of French Canadians to the United States, which had so worried the elites of the 19th Century, has long been over.  Quebecers no longer leave the national [sic] territory and the new arrivals are numerous:  between 1945 and 1960, 403,934 “New Canadians” settle in Quebec.  The Quebec of 1960 is young.  The census of 1961 shows that 44% of the population was under 18 years of age.  This baby-boom is due mainly to a dramatic decline in infant mortality, attributable to a generalization of vaccines and the improved quality of milk dispensed to children [6].   As in other Western countries, the life expectancy of Quebecers  has greatly increased.  For a boy born in 1961, it is 67.3 years, for a girl, 72.8 years; in 1931, it had been 56.2 years for boys, 57.8 years for the girls.  Since 1940, education has been obligatory.  From 1950 to 1960, the school population under 15 years of age rose from 50.4% to 61.9% [7].  Obviously, the picture is not completely rosy.  The “New Canadians” are integrated above all into the anglophone minority, after completing their schooling.  Health costs (often inordinate) are assumed by the religious congregations, the municipalities, and the patients themselves.  A number of reports on the 1950s indicate a shortfall of beds [8].  An unjust system that some would like to see reviewed, in particular the federal government, as we will see later.  Young Quebecers may be more educated than ever but the level of schooling indicates a serious lag compared to that of Ontario.  In 1960,15% of Quebecers have a secondary diploma compared to 26% of Ontarians; 5% of Quebecers have a university degree compared to 9% of Ontarians [9].
En 1960, le Québec dispose d’une économie urbaine, moderne et dynamique.  Alors qu’ils s’apprêtent à voter pour un nouveau gouvernement, les Québécois sont majoritairement des urbains.  Oui, les Québécois de 1960 sont « arrivés en ville » !  En fait, les trois quarts d’entre eux vivent alors en ville (74,3%), c’est un peu moins qu’en Ontario (77,3%), mais plus que le Canada dans son ensemble (69,7%) [10].  Le Québec de cette époque n’est plus une société agricole.  Sa structure économique est même tout à fait moderne :  34,5% de la main-d’œuvre travaillait dans le secteur manufacturier (identique à l’Ontario et supérieur à l’ensemble du Canada — 29,6%) [11].  Durant les années 1950, on assiste à une explosion des emplois dans le domaine des services (tertiaire).  En 1960, les Québécois sont plus riches, plus prospères qu’ils ne l’ont jamais été dans leur histoire.  De 1946 à 1960, le revenu disponible s’accroît de 2,6% par année [12].  Le salaire du pourvoyeur et les généreuses allocations familiales que reçoit chaque ménage du gouvernement fédéral depuis 1944 font vivre correctement les familles d’une classe moyenne émergente.  Voilà pourquoi la plupart d’entre elles accèdent à la société de consommation [13].  En 1960, 94% des ménages ont leur téléviseur (contre 9,7% en 1953) et 57% ont leur automobile (contre 27% en 1951).  Les données sont les mêmes pour les appareils électroménagers.  Ce confort matériel est rendu possible grâce à l’électricité désormais accessible à peu près partout sur le territoire québécois habité [14]. In 1960, Quebec has an urban, modern and dynamic economy.   Just as they are about to vote for a new government, Quebecers are primarily urban.  Yes, Quebecers of 1960 have “come to town” !   In fact, three-quarters of them (74.3%) are now living in the city, a little less than in Ontario (77.3%), but more than in Canada as a whole (69.7%) [10].  Quebec of this era is no longer an agricultural society.   Even its economic structure is quite modern:  34.5% of the work force is in the manufacturing sector (identical to Ontario and higher than the whole of Canada — 29.6%) [11].   In the 1950s, an explosion of employment is observed in the services industry (a tertiary sector).   In 1960, Quebecers are richer, more prosperous than they ever have been in their history.   From 1946 to 1960, disposable income increases by 2.6% annually [12].  Providers’ wages and generous family allowances received by every household from the federal government since 1944 allow the families of an emerging middle-class to live decently.   For this reason the majority of them enter the consumer society [13].   In 1960, 94% of households have their television set (versus 9.7% in 1953) and 57% have their car (versus 27% in 1951).  The data are the same for household appliances.  This material comfort is made possible thanks to electricity which is now accessible just about everywhere on Quebec territory [14].
Dans le ciel de cette économie moderne, plusieurs nuages planent cependant.  Si les historiens conviennent que l’économie québécoise des années 1950 est prospère, ils ne s’entendent pas lorsqu’ils la comparent à l’Ontario [15].  Ce qui ressort cependant des travaux, c’est que, de 1945 à 1960, notre croissance aurait été moins rapide que celle de l’Ontario.  Ce qui semble absolument incontestable en revanche, c’est l’infériorité économique des Canadiens français.  En 1960, ceux-ci vivent mieux qu’avant mais leur situation par rapport au groupe dominant reste nettement désavantageuse.  « Au Québec, écrit Pierre Fortin, le salaire moyen des hommes adultes francophones unilingues équivalait à 52% de celui des hommes adultes anglophones, bilingues ou unilingues » [16].  En 1960, les richesses naturelles de l’Ungava ou de la Côte-Nord sont plus exploitées que jamais mais ce sont des entreprises américaines qui en tirent les principaux bénéfices :  La Tribune Company à Baie-Comeau ; la Hanna Company sur la Côte-Nord ; la Hollinger Mines dans l’Ungava [17].  En 1960, ce sont les patrons qui ont le gros bout du bâton lorsqu’éclate un conflit de travail. In the sky above this modern economy, however, a number of clouds are hovering.  If historians agree that the Quebec economy of the 1950s is prosperous, they do not agree when they compare it with Ontario [15].  What emerges however from the work is that from 1945 to 1960, our growth had been slower than that of Ontario.  What seems absolutely undeniable on the other hand is the economic inferiority of the French Canadians.  In 1960, they live better than before but their situation compared to the dominating [sic] group remains definitely unfavorable.  “In Quebec,” writes Pierre Fortin, the average wages of the unilingual French-speaking adult man were equivalent to 52% of that of the bilingual or unilingual adult male anglophone” [16].  In 1960, the natural riches of Ungava or the Côte-Nord are developed more than ever before, but in fact American companies derive the principal benefit:  the La Tribine Company at Bay-Comeau; the Hanna Company on the Côte-Nord; Hollinger Mines in Ungava [17].  In 1960, it is the bosses who are holding the butt end of the stick when a work-related conflict breaks out.

Maurice Duplessis (1890-1959)

Maurice Duplessis (1890-1959)

Source : Wikimedia Commons

Maurice Duplessis (1890-1959)

Maurice Duplessis (1890-1959)

Source : Wikimedia Commons

Pour mâter les grèves d’Asbestos (1948), de Louiseville (1952) et de Murdochville (1956), le régime Duplessis a souvent eu recours à une force excessive.  Le chef de l’Union nationale peine d’ailleurs à reconnaître « l’atelier fermé » et assimile trop souvent les chefs syndicaux à de dangereux communistes [18].  La dernière ombre au tableau, c’est le taux de chômage qui frôle les 9%.  En juin 1960, le sujet hante l’actualité et préoccupe les électeurs.  À la veille de l’élection, la Société centrale d’hypothèque et de logement annonce que, pour l’année en cours, les mises en chantiers sont 38,5% moins élevées qu’en 1959 [19]. To end the strikes at Asbestos (1948), Louiseville (1952) and Murdochville (1956), the Duplessis regime often resorted to excessive force.  Furthermore, the leader of the Union Nationale scarcely recognizes “the closed workshop” and too often equates trade-union leaders with dangerous Communists [18].   The final shadow over the tableau is that the rate of unemployment is very close to 9%.  In June 1960, the subject haunts the headlines and worries voters.  The day before the election, the Central Mortgage and Housing Company announces that, for the current year, construction start-ups are 38.5% fewer than in 1959 [19].
En 1960, les mentalités ne sont plus celles du 19e siècle.  Le nationalisme de la survivance est durement contesté par de jeunes intellectuels de divers horizons.  Si les intellectuels traditionnalistes sont toujours bien en selle, notamment chez les plus jeunes, des « libéraux » et des néo-nationalistes, de la revue Cité libre  ou du département d’histoire de l’Université de Montréal, contestent leur hégémonie idéologique [20].  Les Québécois francophones vont encore à la messe mais l’Église catholique est loin d’être un bloc monolithique.  Une jeunesse catholique, regroupée dans diverses associations de jeunesse, milite pour que les laïcs prennent leur place et pour que l’Église entende l’appel des chômeurs et de ceux qui luttent pour une transformation sociale, y compris les syndiqués [21].  Cette jeunesse catholique propose également une nouvelle vision de la famille, du couple et de la femme qui heurte parfois de front les normes traditionnelles du clergé [22].  Les femmes mariées sont de plus en plus nombreuses sur le marché du travail.  En 1960, 32% des travailleuses sont des femmes mariées.  Plusieurs femmes fréquentent également l’université, ce qui était impensable quelques décennies plus tôt [23].  Cela dit, si les mentalités ont changé, nous sommes encore loin de la révolution culturelle des années 1960.  L’Église officielle continue de s’opposer à la création d’un ministère de l’Instruction publique et souhaite conserver sa mainmise sur les institutions sociales.  Aussi, les femmes mariées sont toujours considérées par le code civil comme des mineures ou des simples d’esprit.  Quant à la famille, elle reste une institution traditionnelle, laquelle prescrit aux hommes et aux femmes des rôles bien précis. In 1960, [2] mentalities are no longer those of the 19th Century.  The nationalism of survival is hotly contested by young intellectuals of various horizons.   If the traditionalist intellectuals are still well in the saddle, in particular among the young, the “liberals” and the neo-nationalists of the review Cité Libre  or the History department at the University of Montreal, contest their ideological hegemony [20].   French-speaking Quebecers still go to Mass but the Catholic church is far from being a monolithic block.   Young Catholics, assembled in various youth organizations, militate for inclusiveness toward neutrals [3], for the Church to hear the appeal of the unemployed and of those who struggle for a social transformation, including the trade unionists [21].  These Catholic youth also propose a new vision of the family, of the couple and of woman which sometimes runs up against the traditional standards of the clergy [22].  Married women are increasingly numerous on the job market.   In 1960, 32% of workers are married women.  A number of women also attend university, which was unthinkable a few decades earlier [23].  However, if mentalities have changed, we are still far from the Cultural Revolution of the 1960s.  The official Church continues to be opposed to the creation of a Department of Education and wishes to preserve its hold on the social institutions. [4]  Also, married women are still regarded by the Civil Code as minors or simple-minded.  As for the family, it remains a traditional institution, which prescribes that men and women have quite precise roles.
Le Québec de 1960 était-il plongé dans une « Grande Noirceur » ?  Il est difficile de répondre à cette question de manière tranchée.  Tout dépend du point de vue. Was Quebec of 1960 plunged in a “Great Darkness”?   It is difficult to answer this question neatly.  All depends on point of view.
Imaginons un jeune homme de la classe moyenne qui a 20 ans en avril 1960.  Ses parents lui avaient sûrement décrit avec moult détails la dépression des années 1930 et les horribles taudis de Saint-Henri dans lesquels ils avaient peut-être vécus.  Le père de ce jeune homme, un ouvrier qualifié capable de « faire vivre » sa famille avec son seul salaire, qui se rendait chaque matin à l’usine en voiture, était fier d’avoir fait l’acquisition d’un petit bungalow dans un nouveau développement d’une banlieue de Montréal.  Le ménage disposait de tout le confort moderne et s’offrait même, depuis quelques étés, des excursions sur la côte-est américaine.  À toutes les fins de semaine, ce jeune homme allait au cinéma car il adorait les westerns américains qui, cela va sans dire, intéressaient bien peu le Bureau de censure.  Pour ce jeune homme et sa famille, il faisait bon vivre dans ce Québec prospère et moderne.  Leur Québec à eux était cependant bien différent de celui d’un couple d’artistes d’avant-garde qui lisait Les Temps modernes de Jean-Paul Sartre, connaissait bien l’œuvre de Simone de Beauvoir, admirait le surréalisme d’André Breton.  Quelques années plus tôt, ce couple avait certainement été bouleversé par le congédiement brutal de Paul-Émile Borduas de l’École du meuble en 1948.  Pas un jour ne se passait sans qu’ils ne pestent contre la censure qu’exerçait le clergé sur le cinéma et la littérature.  Pour ces artistes un peu marginaux mais futurs chantres de la Révolution culturelle occidentale, le Québec de cette époque vivait dans le passé.  L’air y était absolument irrespirable. Imagine a young man of the middle-class who is 20 years old in April of 1960.   His parents had surely described to him in endless details the depression of the 1930s and the horrible slums of Saint-Henri in which they had perhaps lived.   The father of this young man, a skilled worker able “to earn a living” for his family with his own wages alone, and who went to the factory each morning in his car, was proud to have acquired a little bungalow in a new development in a suburb of Montreal.  The family had all the modern comforts and for a few summers now, could even afford holidays on the American East Coast.  Every weekend, this young man went to the cinema because he adored the American westerns which, it goes without saying, were of little interest to the Censor Board.   For this young man and his family, it was good to live in this prosperous and modern Quebec.  Their Quebec however was very different from that of a couple of artists of the avant-garde who read Jean-Paul Sartre’s Modern Times, who knew the work of Simone de Beauvoir well, who admired the surrealism of André Breton.  A few years earlier, these latter had certainly been upset by the brutal dismissal of Paul-Émile Borduas from École de meuble [furniture design school] in 1948.  Not a day passed that they did not rant against the censorship the clergy exerted over cinema and literature.   For these slightly marginal artists but future choirmasters of the Western Cultural revolution, the Quebec of this era was living in the past.  The air there was absolutely stifling.

Madeleine Parent (1918-2012)

Madeleine Parent (1918-2012)

Source : Aziz George Nakash (1892-1976), artiste-photographe (fondationlearoback.org).

Madeleine Parent (1918-2012)

Madeleine Parent (1918-2012)

Source : Aziz George Nakash (1892-1976), artist-photographer (fondationlearoback.org).

Imaginons maintenant deux femmes qui, durant les 1940 et 1950, évoluaient dans des univers parallèles.  Formée dans une école ménagère de Saint-Pascal de Kamouraska, Évelyne Leblanc défend toute sa vie une conception très traditionnelle du rôle de la femme.  À ses yeux, être une femme à la maison, ce n’était pas seulement une vocation mais une profession qui requerrait un enseignement approprié.  En 1944, elle est nommée Chef du Service de l’enseignement ménager du Département de l’Instruction publique.  En 1960, les valeurs de cette laïque engagée sont tout à fait en phase avec celles du clergé plus conservateur.  Une perspective que ne partage sûrement pas Madeleine Parent.  Cette militante de gauche tente de syndiquer les femmes de la Dominion Textile.  Perçue comme une communiste par le régime Duplessis, elle est condamnée à deux ans de prison en 1947 pour « menées séditieuses ».  Parions qu’en 1960, cette femme juge le Québec réactionnaire, ses valeurs rétrogrades, et qu’elle espère voir émerger un vrai parti de gauche qui défendre enfin la cause des ouvriers. Now imagine two women who, in the 1940s and 50s, evolved in parallel universes.   Trained in a domestic science school at Saint-Pascal de Kamouraska, Evelyne Leblanc’s entire life is an exemplar of a very traditional concept of the role of the woman.  In her eyes, being a woman at home was not only a vocation but a profession which required a suitable education.   In 1944, she is named Head of the Home Economics Department of the Educa-tion Ministry.   In 1960, the values of the engaged laywoman are completely in phase with those of the more conservative clergy.   A perspective that Madeleine Parent certainly does not share.   This militant of the left tries to organize the women of Dominion Textile.   Perceived as a Communist by the Duplessis regime, she is condemned to two years in prison in 1947 for “seditious activities”.  Let us bet that in 1960, this woman judges Quebec reactionary, its values retrograde, and that she hopes to see emerging a true left party to at last defend the cause of the workers.
Qui avait raison ?  Qui avait tort ?  Je refuse pour ma part de trancher.  Le Québec de 1960 n’était pas un bloc.  Si certains y trouvaient l’air vicié, ce qu’on peut très bien comprendre, d’autres en épousaient les valeurs, s’y sentaient bien et voyaient l’avenir avec optimisme. Who was right?   Who was wrong?  As for me, I refuse to decide.  Quebec of 1960 was not a block.   If some found the air foul there, which one can well understand, others ascribed to these values, felt well there and viewed the future with optimism.

Les forces politiques
en présence

The political forces
at play

Lorsqu’Antonio Barrette annonce le déclenchement des élections, le 27 avril 1960, trois partis sont officiellement en liste.  L’Union nationale et le Parti libéral, mais aussi le Parti Social démocratique, alors dirigé par le syndicaliste Michel Chartrand.  Faute d’argent, ce tiers parti ne présentera finalement aucun candidat et son chef recommandera aux électeurs d’annuler leur vote, question de ne « pas voter pour les intérêts capitalistes » [24].  L’élection de 1960 oppose donc l’Union nationale au Parti libéral.  Quatre ans plus tôt, l’Union nationale avait obtenu 52% du suffrage et fait élire 73 députés.  Les Libéraux de leur côté avaient récolté 44,5% des votes et fait élire seulement 19 députés.  Depuis 1960, les partis n’ont, sauf exception, jamais obtenu plus de deux mandats consécutifs pour gouverner le Québec.  À chaque campagne, les partis jouent la carte du « changement » — un changement souvent sans objet d’ailleurs.  Avec le recul, on pourrait penser que cette seule carte aurait dû suffire au Parti libéral pour l’emporter en 1960, qu’après seize ans au gouvernement, l’Union nationale était à bout de souffle, exsangue.  Une rapide analyse des forces en présence montre qu’au contraire, rien n’était joué. When Antonio Barrette announces the launch of elections on April 27th, 1960, three parties are officially enrolled.  The Union Nationale and the Liberal Party, but also the Social Democratic Party, at that time led by trade unionist Michel Chartrand.   For lack of money, this third party will finally run no candidates and its leader will recommend to the voters that they cancel their vote, a question of “not voting for capitalist interests” [24].  The election of 1960 is therefore a showdown between the Union Nationale and the Liberal Party.  Four years earlier, the Union Nationale had won 52% of the vote and elected 73 members.  The Liberals had garnered 44.5% of the votes and elected only 19 members.  Since 1960, the parties, without exception, have never obtained more than two consecutive mandates to govern Quebec.   At each campaign, the parties play the card of “change” — a change often without purpose, moreover.   With the backslide, one might think that this card alone should have sufficed the Liberal party to carry it off in 1960, that after sixteen years in government, the Union Nationale was out of steam and bloodless.  A quick analysis of the forces involved shows that on the contrary, it wasn’t finished.
En 1960, le sort semble s’acharner contre l’Union nationale.  Le 7 septembre 1959, son fondateur rend son dernier souffle ; le 2 janvier suivant, c’est autour de Paul Sauvé de s’éteindre subitement.  Un coup très dur pour ce parti traditionnel.  Au moment du déclenchement des élections, cette formation fondée en 1936 a toutes les allures d’un club privé.  À sa tête on retrouve Antonio Barrette, député de Joliette depuis 1936, ministre du Travail depuis 1944, assermenté comme premier ministre le 7 janvier 1960.  Contrairement à ses prédécesseurs, il n’avait ni complété son cours classique, ni fait son droit.  Malgré ses modestes origines ouvrières, l’homme avait de la prestance et une belle culture d’autodidacte.  Une fois devenu premier ministre, Barrette n’était pas le seul maître à bord de son parti.  Il devait composer avec deux personnages clefs :  Joseph-Damase Bégin, député de Dorchester et ministre de la Colonisation mais surtout organisateur en chef et grand stratège du parti depuis 1944 [25] ; et Gérald Martineau, le gardien de la caisse électorale occulte.  Au plan des orientations politiques, le nouveau chef du gouvernement avait les coudées franches.  Dans ce parti, les députés et les ministres étaient rarement consultés sur les décisions les plus importantes.  Ceux-ci sont le plus souvent des exécutants des décisions du Chef.  L’Union nationale ne dispose d’aucune véritable structure démocratique ou participative.  Si le parti a des « partisans », il n’a pas de « membres » qui donnent leur avis, orientent ses positions. In 1960, fate seems to be set against the Union Nationale.   On September 7th, 1959, its founder yields up his last breath; next January 2nd, it is Paul Sauvé’s turn to die suddenly.  A very hard blow for this traditional party.  When the elections are launched, this body founded in 1936 has all the features of a private club.  At its head is found Antonio Barrette, member of Joliette since 1936, Minister for Labor since 1944, sworn in as Premier on January 7th, 1960.  Unlike his predecessors, he had completed neither his classical course, nor done his law.  In spite of his modest working origins, the man had an imposing presence and a fine culture as an autodidact.  Once become Premier, Barrette was not the only Master on board his party.   He had to deal with two key characters:  Joseph-Damase Bégin, the member from Dorchester and Minister for Colonization but above all the leading organizer and great strategist of the party since 1944 [25]; and Gerald Martineau, the guardian of the hidden electoral purse.  As to political orientation, the new leader of the government had a bent for frankness.  In this party, the members and the ministers were seldom consulted on the most important decisions.  The latter are generally the executants of the decisions of the Leader.  The Union Nationale has no real democratic nor participatory structure.  If the party has “partisans”, it has no “members” who offer their opinion, orient its positions.

Pierre Laporte (1921-1970)

Pierre Laporte (1921-1970)

Source : Wikipédia

Pierre Laporte (1921-1970)

Pierre Laporte (1921-1970)

Source : Wikipédia

Il faut dire que, politicien d’une autre époque, Maurice Duplessis n’aurait pas enduré longtemps des votes de confiance, des militants pointilleux ou des présidents d’aile jeunesse ambitieux.  En 1960, son ombre plane toujours.  Quelques semaines avant le déclenchement des élections, le journaliste Pierre Laporte du Devoir lançait Le vrai visage de Duplessis aux Éditions de l’Homme.  Premier acte d’une « légende noire » [26] qui allait peu à peu s’imposer, l’ouvrage connaît un vif succès de librairie.  On y découvre un homme autoritaire et souvent mesquin qui prenait un malin plaisir à humilier ses ministres et députés.  Laporte trace le portrait d’un homme sans panache, provincial, attaché avant tout au pouvoir.  Deux ans plus tôt, le courriériste parlementaire avait révélé au grand jour le scandale du Gaz naturel.  Sur la liste des actionnaires de la Corporation du Gaz naturel mise à jour par Le Devoir — après que Pierre Laporte se soit procuré des actions de la compagnie — figuraient les noms de six ministres unionistes.  Or cette Corporation avait mis la main sur le réseau de distribution de gaz naturel qu’avait privatisé Hydro-Québec :  beau cas de conflits d’intérêts.  Pour étouffer l’affaire, Duplessis avait entamé des poursuites contre Le Devoir et boycotté le quotidien montréalais [27].  À la veille de l’élection de 1960, ce scandale était un véritable boulet pour l’Union nationale — bien davantage que son libéralisme économique ou son nationalisme traditionnel. It must be said that as a politician of another era, Maurice Duplessis would not long have survived votes of confidence, fastidious militants or ambitious presidents of youth wings.  In 1960, his shadow still looms.  A few weeks before the start of the elections, journalist Pierre Laporte of Le Devoir launched The Real Face of Duplessis with Éditions de l’Homme.  The first act of a “black legend” [26] which would gradually gain sway, the work was a lively best-seller.  One finds there an authoritarian and often petty man who took a malicious pleasure in humiliating his ministers and members [5]  Laporte traces the portrait of a man without panache, provincial, attached above all to power.  Two years earlier, the parliamentary reporter had revealed the Natural Gas scandal to the light of day.  On the list of shareholders of the Natural Gas Corporation updated by Le Devoir — after Pierre Laporte bought shares of the company — were the names of six Unionist ministers.   However, this Corporation had taken hold of the natural gas distribution network which Hydro-Quebec had privatized:  a lovely case of conflict of interest.  To stifle the affair, Duplessis instituted law suits against Le Devoir and boycotted the Montreal daily [27].  The day before the election of 1960, this scandal was a genuine albatross for the Union Nationale — far more so than its economic liberalism or its traditional nationalism.
Au plan des hommes et des idées, l’Union nationale dont hérite Antonio Barrette ne s’était pas beaucoup renouvelée au fil des années.  Son équipe compte bien sûr Daniel Johnson et Jean-Jacques Bertrand, admis sur le tard au conseil des ministres en 1958.  Ces étoiles montantes font cependant partie du sérail et restent marquées par le régime Duplessis.  L’usure du pouvoir et l’odeur de corruption freinent probablement l’arrivée d’une nouvelle génération de nationalistes plus conservateurs qui aurait pu revigorer cette formation politique et lui donner un nouveau souffle.  Pensons à un personnage comme Jean Drapeau, chef de la Ligue d’action civique, héros de la lutte anti-corruption, maire de Montréal de 1954 à 1957 mais battu par Sarto Fournier et la machine de l’Union nationale.  Voilà un homme qui, tant par ses idées que par son style, aurait pu s’avérer le véritable successeur de Maurice Duplessis [28].  En 1960, l’Union nationale est un parti sans programme … et qui se targue de ne pas en avoir !  Durant la campagne, le parti prend quelques engagements ciblés mais se garde bien de présenter une vision d’ensemble [29].  À l’instar des élections précédentes, on fait la liste des réalisations en argent sonnant, dans tous les secteurs de la vie collective.  « Notre programme à nous a été formulé en 1931, déclare Antonio Barrette en début de campagne, et les lois actuelles témoignent qu’il a été mis en exécution » [30].  Dans un éditorial du Montréal-Matin, l’organe de l’Union nationale, on pouvait lire :  « L’Union nationale au lieu d’offrir au public un programme, des promesses, prend tout simplement l’engagement de continuer comme elle l’a fait jusqu’à maintenant.  Elle demande qu’on la juge par ses actions et non par des promesses » [31] At the level of men and ideas, the Union Nationale inherited by Antonio Barrette had not been greatly renewed with the passing of the years.  Its team is counting on Daniel Johnson and Jean-Jacques Bertrand, admitted latterly to the Council of Ministers in 1958.   These rising stars form part of the seraglio however, and remain brandmarked by the Duplessis regime.  The use of power and the odor of corruption probably slow down the arrival of a new generation of more conservative nationalists who could have reinvigorated this political body and given it a second wind.  Think of a character like Jean Drapeau, leader of the Civic Action League, hero of the anti-corruption fight, mayor of Montreal from 1954 to 1957 but beaten by Sarto Fournier and the machine of the Union Nationale.  Here is a man who, as much by his ideas as by his style, could have proven to be the true successor to Maurice Duplessis [28].   In 1960, the Union Nationale is a party without a program [6] … and is proud not to have one!   In the course of the campaign, the party makes a few targeted pledges, but takes good care not to present an overall vision [7] [29].   As with previous elections, one’s achievements in all areas of collective life are catalogued in resounding silver.  “Our program was formulated in 1931, declares Antonio Barrette at the start of the campaign, and the current laws testify that it was put into execution” [30].  In a leading article of the Montréal-Matin, the organ of the Union Nationale, one could read:  “The Union Nationale instead of offering the public a program, and promises, quite simply undertakes to continue as it has until now.  It simply asks that it be judged by its actions and not by its promises” [31]
Si les faiblesses de l’Union nationale sautent aux yeux, ce parti bénéficie néanmoins d’appuis très solides et le premier ministre Barrette compte quelques réalisations importantes durant son bref mandat. If the weaknesses of the Union Nationale are obvious, this party nevertheless enjoys very solid support and Premier Barrette has to his credit a number of major achievements during his brief mandate.
Une recherche très sérieuse menée entre septembre 1959 et mars 1960 auprès de 1000 personnes des deux sexes, de toutes les régions et de différentes classes sociales, montre clairement qu’à la veille du déclenchement des élections, l’Union nationale bénéficiait toujours d’un soutien populaire important [32].  Pilotée par le chercheur Maurice Pinard qui s’était entourée d’une batterie d’assistants rompus aux méthodes d’analyse en sciences sociales, cette enquête avait été commandée par le Parti libéral du Québec qui souhaitait obtenir un portrait précis des « attitudes et opinions » des électeurs.  Plusieurs données de cette étude sont étonnantes.  Première surprise, le niveau de satisfaction très élevé à l’égard du gouvernement de l’Union nationale, compte tenu des critiques répétées de l’opposition [33] :  46% s’en disaient « satisfaits » ; seulement 17 % « insatisfaits » ; 23% avaient des « réponses nuancées » ; 14% ne savaient quoi répondre.  La deuxième chose qui frappe, c’est le peu d’attente des Québécois de 1960 par rapport à la politique, leur vision désenchantée de la chose publique.  En effet, 44% des citoyens consultés croyaient qu’une fois au pouvoir, le Parti libéral serait « semblable » à l’Union nationale [34].  De plus, 73% considéraient « acceptable » le degré de corruption de l’Union nationale [35].  Les Québécois étaient-ils impatients de voir se développer de nouveaux programmes sociaux qui, forcément, nécessiteraient de nouvelles taxes ?  On peut en douter car 51% d’entre eux croyaient être les « plus taxés » au Canada [36].  Pour quel parti s’apprêtaient-ils à voter ?  Voilà une question qui embêtait plusieurs répondants.  Comme l’expliquent les chercheurs, les électeurs de l’époque rechignaient à révéler publiquement leur intention de vote.  Voilà pourquoi 33% s’abstinrent de répondre.  Sur les 67% restant, 61% entendaient voter pour l’Union nationale, 35% pour les Libéraux, 4% pour l’extrême-gauche.  Enfin, cinquième surprise, le peu d’intérêt que suscitait la politique québécoise en 1960.  À la veille de cette élection « historique », rien n’indique que les Québécois se passionnaient pour les enjeux qui concernaient leur province [37].  Seulement 16% des citoyens consultés se disaient « très intéressés » par la politique québécois, 43% s’y intéressaient de « façon modérée » mais 39% se disaient « très peu » ou « pas du tout intéressés ».  En somme, à peu près rien dans les données de cette enquête n’annonçait un changement de régime.   En 1960, il était loin d’être clair que les Québécois souhaitaient congédier l’Union nationale. Quite serious research undertaken between September 1959 and March 1960 with 1,000 respondents of both sexes, from all regions and different social classes, shows clearly that shortly before the launch of elections, the Union Nationale still enjoyed major popular support [32].  Conducted by researcher Maurice Pinard who had surrounded himself with a battery of assistants trained in the methods of analysis of the social sciences, this inquiry had been ordered by the Liberal Party of Quebec which wished to obtain a precise portrait of the “attitudes and opinions” of the voters.  Some of the facts of this study are astonishing.   First surprise, the very high level of satisfaction with regard to the government of the Union Nationale, given the repeated criticisms of the opposition [33]:  46% said they were “satisfied”; only 17% “dissatisfied”; 23% gave “qualified responses”; 14% didn’t know what to say.  The second thing which is striking is the low expectations of Quebecers in 1960 with respect to politics, their disillusioned view of the public thing.  Indeed, 44% of citizens consulted believed that once in power, the Liberal Party would be “similar” to the Union Nationale [34].   Moreover, 73% considered “acceptable” the degree of corruption of the Union Nationale [35].  Were Quebecers impatient to see the development of new social programs which inevitably would require new taxes?  This is doubtful because 51% of them believed they were the “most taxed” in Canada [36].  For which party were they about to vote?  Here is a question which annoyed a number of respondents.   As the researchers explain, voters of the time balked at revealing their voting intention publicly.   For this reason 33% abstained from answering.   Of the other 67%, 61% intended to vote for the Union Nationale, 35% for the Liberals, 4% for the far-left.  Lastly, fifth surprise, the minimal interest elicited for Quebec politics in 1960.   On the eve of this “historic” election, nothing indicates that Quebecers were impassioned by the issues which concerned their province [37].   Only 16% of citizens consulted said they were “very interested” in Quebec politics, 43% were “moderately interested”, but 39% said they were interested “very little” or were “not at all interested”.   All in all, nothing in the data of this inquiry announced a regime change.  In 1960, it was far from clear that Quebecers wished to fire the Union Nationale.
Il faut dire que, malgré ses quelques mois à la tête du Québec, le premier ministre Antonio Barrette n’avait pas chômé.  Son bilan était même impressionnant.  S’agissant de Paul Sauvé, des recherches ont mis à jour ses réformes, voire sa « Révolution des 100 jours » [38] au gouvernement.  En revanche, on s’est très peu penché sur les décisions d’Antonio Barrette, notamment son règlement du dossier universitaire. It should be said that in spite of his few months at the head of Quebec, Premier Antonio Barrette had not dragged his feet.  His record was even impressive.  Taking the lead from Paul Sauvé, research brought the latter’s government reforms up-to-date, even his “Revolution of 100 Days” [38].  On the other hand, very little has been said of the decisions of Antonio Barrette, in particular his settlement of the university file.
Depuis 1951, le gouvernement canadien soutenait financièrement les universités.  Conformément aux recommandations du rapport Massey sur « l’avancement des arts, des sciences et des lettres au Canada », l’État fédéral souhaitait ainsi contrer l’américanisation de la culture et de la vie intellectuelle canadienne.  Parce que cette aide financière violait selon lui la compétence des provinces en éducation, Duplessis interdit aux universités de recevoir ces subsides.  Le fédéral décida donc de déposer les sommes dévolues aux universités québécoises dans un fonds dédié du Conseil des arts du Canada.  En 1960, une rondelette somme de 16 millions de dollars dormait dans les coffres.  Aussitôt assermenté premier ministre, Paul Sauvé lança des négociations.  Le gouvernement de John Diefenbaker acceptait que Québec augmente de 1% [39] son impôt sur les sociétés mais à la condition que les subventions supplémentaires remises aux universités soit l’équivalent de 1,50 $ par citoyen.  Une fois l’entente conclue, les 16 millions de dollars accumulés leur auraient été remis directement.  Si l’on en croit ses Mémoires, le premier ministre Barrette jugea cette entente inacceptable d’une part parce que le fédéral dictait au Québec le montant des subventions qui devaient être remises aux universités et d’autre part parce qu’il transigerait directement avec les universités.  Pour sortir de l’impasse, il annonça unilatéralement une augmentation de l’impôt sur les sociétés de 9% à 10% et s’engagea à verser des subventions supplémentaires aux universitaires qui équivaudront à 1,75 $ par citoyen.  Il exige également que le 16 millions de dollars accumulés soit versé dans un fonds d’amortissement destinés aux universités mais géré par Québec [40].  Voilà un règlement original qui permettait de débloquer un problème important mais qui respectait scrupuleusement la juridiction des provinces en éducation et l’autonomie fiscale du Québec [41]. Since 1951, the Canadian government had financially supported the universities.   In accordance with the recommendations of the Massey report on “The Advancement of the arts, the sciences and letters in Canada”, the Federal government wished to counter the Americanization of Canadian culture and intellectual life.  Since according to him [8] this financial aid violated the Education power of the provinces, Duplessis prohibited the universities from receiving these subsidies.  The federal level therefore decided to deposit the amounts reserved for Quebec universities in funds destined for the Canada Arts Council.   In 1960, a tidy sum of 16 million dollars slept in the coffers.   As soon as he was sworn in as Premier, Paul Sauvé launched negotiations.   The government of John Diefenbaker accepted that Quebec increase its tax on corporations by 1% [39] but on condition that the additional subsidies given to universities be the equivalent of $1.50 per citizen.   Once the agreement was concluded, the 16 million accumulated dollars would have been given to them directly.   If one believes his Memoirs, Premier Barrette considered this agreement unacceptable first because the federal level was dictating in Quebec the amount of subsidies to be given to universities and on the other hand because it would directly compromise the universities.  To exit the cul-de-sac, he unilaterally announced an increase of taxation on companies from 9% to 10% and committed himself to pouring additional subsidies into universities which would be equivalent to $1.75 per citizen.   He also required that the 16 million accumulated dollars be placed in a sinking fund intended for the universities but managed by Quebec [40].   This was an original settlement which made it possible to resolve an important problem but which scrupulously respected the jurisdiction of the provinces in education and the tax autonomy of Quebec [41].
Si je me suis beaucoup attardé à l’Union nationale, c’est que la « légende dorée » du Parti libéral, avec son « équipe du tonnerre », son programme audacieux, son slogan choc, nous est plus familière.  Cela dit, il faut néanmoins rappeler certains faits, moins connus. If I have lingered a great deal over the Union Nationale, it is because the “Golden Legend” of the Liberal Party, with its “Team of Thunder”, its daring program, its shocking slogan, is more familiar to us.   However, certain less-known facts should nonetheless be pointed out.
En 1960, le Parti libéral n’était plus la succursale du Parti libéral du Canada [46].  Après la défaite de 1956, les Libéraux du Québec avaient créé, en juillet 1957, la Fédération libérale provinciale qui deviendra plus tard la Fédération libérale du Québec, « la » F.L.Q. !  Certes, le chef, les organisateurs et les bailleurs de fonds continuaient de jouer un rôle fondamental.  Mais en 1960, on pouvait adhérer librement au Parti libéral, non seulement pour organiser des élections mais pour y réfléchir et y débattre des grands enjeux de l’heure.  En plus d’en être un « partisan », on pouvait en devenir membre [47].  Chaque circonscription disposait de son association.  Les grandes questions étaient étudiées par des « commissions » spéciales qui réunissaient des experts dans divers domaines.  Le Parti libéral ne se voulait plus seulement une « machine électorale » bonne pour remporter des élections mais un mouvement social capable de fédérer et de faire une place à tous ceux qui combattaient le régime Duplessis. In 1960, the Liberal Party was no longer a branch of the Liberal Party of Canada [46].  After the defeat of 1956, the Quebec Liberals had created, in July 1957, the provincial Liberal Federation which will later become the Liberal Federation of Quebec, “the” F.L.Q.! [9]  Admittedly, the leader, the organizers and the backers continued to play a fundamental role.   But in 1960, one could freely subscribe to the Liberal Party, not only to organize elections but to reflect and discuss the great issues of the hour.   In addition to being a “partisan”, one could become a member [47].   Each riding had its association.   The great questions were studied by special “commissions” which brought together experts in various fields.   The Liberal Party wanted to no longer be just an “electoral machine”, good to win elections, but a social movement able to federate and to make room for all those who fought the Duplessis regime.

Jean Lesage (1912-1980)

Jean Lesage (1912-1980)

Source : Gaby [Gabriel Desmarais], photographe. BAnQ (P1000,S4,D83,PL109).

Jean Lesage (1912-1980)

Jean Lesage (1912-1980)

Source: Gaby [Gabriel Desmarais], photographe. BAnQ (P1000,S4,D83,PL109).

Cette ouverture aux débats, cette modernisation des structures étaient perçues comme une nécessité pour attirer les jeunes, les intellectuels émergents et les forces de gauche tentées par de nouveaux partis ouvriers.  Fait à noter, c’est un congrès de membres qui élit Jean Lesage, le 31 mai 1958.  Trois candidats s’y affrontaient :  René Hamel, un ancien du Bloc Populaire, Paul Gérin-Lajoie, un jeune constitutionnaliste, et Jean Lesage, un ancien ministre libéral fédéral.  En 1960, un tel affrontement public aurait été impensable à l’Union nationale.  Ce congrès libéral ne laissa pas trop de séquelles.  Mieux :  Lesage recruta une très belle équipe qui allait allier expérience, compétence et jeunesse. This openness to debate, this modernization of the structures were perceived as a necessity to attract young people, intellectuals and the forces of the left tempted by the new workers’ parties.   One fact to note, it is a congress of members who elect Jean Lesage on May 31st, 1958.   Three candidates contended:   René Hamel, a veteran of the Bloc Populaire, Paul Gérin-Lajoie [10] a young constitutionalist, and Jean Lesage, a former federal liberal minister [11]   In 1960, such a public confrontation with the Union Nationale would have been unthinkable.  This liberal congress left few after-effects.  Better:  Lesage recruited a very nice team which was going to combine experience, competence and youth.
La formation que dirigeait Jean Lesage avait beaucoup investi d’énergie dans son programme.  Plutôt que de faire la liste des promesses censées satisfaire des clientèles, celui-ci devait dégager une vision claire, cohérente et globale du Québec.  Un an auparavant, les grandes lignes de la plate-forme libérale de 1960 avait été esquissée dans Pour une politique, rédigée par Georges-Émile Lapalme, l’ancien chef du parti [48].  Ce qui frappe dans ce programme libéral, c’est la place accordée à la question nationale et à l’État-providence.  Le premier chapitre, intitulé « La vie nationale », prévoyait la création d’un ministère des affaires culturelles, d’un Office de la langue français, d’un Département du Canada français d’outre-frontière, d’un Conseil provincial des arts, d’une Commission des monuments historiques et d’un Bureau provincial d’urbanisme.  Le Parti libéral proposait aussi un autonomisme plus offensif :  l’article 39 prévoyait la création d’un ministère des Affaires fédérales-provinciales ; l’article 40 engageait le gouvernement libéral à tenir de conférences interprovinciales ; l’article 45 envisageait même création d’un Tribunal constitutionnel.  En prenant des positions fortes sur la question nationale, la direction libérale cherchait à montrer son autonomie face au parti fédéral et à faire oublier les années Godbout, marquées par plusieurs reculs sur le front constitutionnel.  L’autre grand tournant de la plate-forme libérale concerne l’État.  Longtemps fidèle au libéralisme économique le plus classique, voilà que l’ancienne formation de Lomer Gouin et d’Alexandre Taschereau se convertissait à l’État-providence qui devait intervenir dans l’économie, assurer les soins de base à la population, planifier le développement du territoire.  En éducation, la plate-forme libérale promettait la gratuité scolaire jusqu’à l’université (article 2) et la gratuité de tous les manuels (article 3) . Au plan économique, les Libéraux s’engageaient à mettre sur pied un Conseil d’orientation économique (article 10) et un ministère des richesses naturelles (article 11).  Sans expliquer comment ils procéderaient, les Libéraux promettaient aussi un programme d’assurance-hospitalisation (article 27).  Pour assurer tous ces services et relever les grands défis économiques, l’État québécois devait évidemment pouvoir compter sur une fonction publique indépendante (article 47). The entity led by Jean Lesage invested a great deal of energy in its program.  Rather than listing promises expected to satisfy the clientèles, it sought to impart a clear, coherent and total vision of Quebec.  The previous year, the broad outlines of the Liberal platform of 1960 had been set out in For a policy, written by Georges-Émile Lapalme, the former leader of the party [48].  What is striking in this Liberal program is the room accorded to the national question and the Welfare state.   The first chapter, entitled “The National Life”, laid down the creation of a ministry for cultural affairs, an Office of the French language, a Department of French Canada Overseas, in addition to a Provincial Arts Council, a Commission on historic monuments and a provincial Office of town planning.   The Liberal party also proposed a more combative autonomism:  article 39 laid down the creation of a ministry for federal-provincial affairs; article 40 committed the Liberal government to hold interprovincial conferences; article 45 even envisaged the creation of a constitutional Court.   By taking strong positions on the national question [12], the Liberal leadership sought to show its autonomy vis-à-vis the federal party and to cause the Godbout years, marked by a number of retreats on the constitutional front, to be forgotten.  The other major pivot of the Liberal platform concerns the Government.   Long faithful to the most traditional economic liberalism, here the former organization of Lomer Gouin and Alexandre Taschereau was a convert of the social Welfare state which was to intervene in the economy, to ensure basic care to the population, to plan the development of the territory.   In education, the liberal platform promised free education up to university (article 2) and free text books (article 3).   As to the economy, the Liberals committed themselves to setting up a Council of Economic Orientation (article 10) and a ministry for natural resources (article 11).   Without explaining how they would proceed, the Liberals also promised a program of hospitalization insurance (article 27).   To ensure all these services and to meet the great economic challenges, the Québec Government had obviously to be able to count on an independent public service (article 47).
Ce qui frappe dans ce programme, c’est la foi dans la politique, le volontarisme des dirigeants libéraux.  À la manière de Lionel Groulx et des nationalistes de L’Action française, leur objectif était d’offrir non pas aux « Québécois » — le mot n’était presque jamais utilisé — mais aux « Canadiens français » un « État national ».  Ce que proposaient Jean Lesage et le Parti libéral, peut-être inspirés par le fondateur de la Ve République au pouvoir en France depuis deux ans, c’était une « politique de la grandeur ».  Avec une telle politique, expliquait Lesage en 1959, le Québec « ne sera plus paralysé par le complexe d’infériorité d’une survivance menacée ; il possédera désormais la certitude de son destin.  Son gouvernement de Québec ne sera plus une officine de patroneux, il sera devenu le cerveau et le cœur de tout un peuple » [49].  Si les Libéraux annonçaient une politique de grandeur, leur programme de 1960 ne pouvait être qualifié de « révolutionnaire ».  Alors que, dans leur plate-forme, on annonçait la création de plusieurs nouveaux ministères, il n’était nulle part question d’un ministère de l’éducation ou de l’instruction publique.  Il n’était pas non plus question de nationalisations.  On sait que René Lévesque aura beaucoup de mal à convaincre Jean Lesage et ses collègues des bienfaits de l’étatisation de l’hydroélectricité.  La Société générale de financements ou la Caisse de dépôts et de placements ne faisaient pas partie du programme de 1960. What is striking in this program is the faith in politics, the willingness of the Liberal leaders.   After the manner of Lionel Groulx and the nationalists of the Action Française, <b>their objective was to offer not to “Québécois” — the word was almost never used — but to the “French Canadians” [13] a “national State”.   What Jean Lesage and the Liberal party proposed, perhaps inspired by the founder of the 5th Republique in power in France for two years, was a “politics of grandeur”.  With such a policy, explained Lesage in 1959, Quebec “will not be further paralyzed by the inferiority complex of threatened survival; it will have from now on the certainty of its destiny.   Its government of Quebec will no longer be a bosses’ dispensary [14], it will have become the brain and the heart of a whole people” [49].  If the Liberals announced a politics of grandeur, their program of 1960 could not be qualified as “revolutionary”. [15]   While in their platform they announced the creation of a number of new ministries, there was nowhere any question of a ministry of education or of state education. [16]  There also was no question of nationalizations.  We know that René Lévesque will have a very hard time convincing Jean Lesage and his colleagues of the benefits of nationalization of hydroelectricity.  The Société générale de financements or the Caisse de dépôts et placements were not a part of the program of 1960[17]

Une campagne, un verdict

A campaign, a verdict

Lors du déclenchement des élections, aucun commentateur n’osait prédire les résultats.  Les parieurs de la rue Saint-Jacques croient que les Libéraux vont l’emporter mais de justesse.  De son côté, l’Union nationale croit pouvoir remporter 56 sièges.  Il faut dire qu’à cette époque, les sondages étaient rares.  Durant toute la campagne de 1960, aucune enquête d’opinion n’est publiée.  En tout, 2 593 198 électeurs québécois avaient le droit de vote le 22 juin 1960.  Les femmes pouvaient voter — elles auraient d’ailleurs été plus présentes qu’avant aux assemblées [50] — mais l’âge de la majorité était toujours fixé à 21 ans. During the election launch, no commentator dared to predict the results.  The bettors of Saint James Street believe the Liberals will take it by a hair.   The Union Nationale believes it can win 56 seats.   It must be said that at that time, surveys were rare.  Throughout the whole campaign of 1960, no public opinion poll was published.   In all, 2,593,198 Québec electors had the right to vote on June 22nd, 1960.   Women could vote —  they were furthermore more present than ever before at public assemblies [50] —  but the age of majority was always set at 21 years.
La campagne québécoise de 1960 fut assez traditionnelle, axée sur les chefs.  « C’est l’temps que ça change » fut le slogan des Libéraux ; « Vers les sommets », celui de l’Union nationale.  Les rouges ont vite raillé le slogan unioniste : « Vers les sommets de corruption, de chômage, de l’inaction … », répétèrent-ils en cœur !  Du côté de l’Union nationale, on assume totalement le bilan des précédents gouvernements.  Le positionnement stratégique n’était pas celui du « désormais » mais, au contraire, celui de la continuité, comme si le passé était garant de l’avenir.  Sur plusieurs des photos de campagne, Antonio Barrette apparaissait aux côtés de Maurice Duplessis et de Paul Sauvé.  Ce qui était suggéré dans toute la campagne publicitaire de l’Union nationale, c’est qu’en votant pour ce parti, on faisait confiance à un homme, plus qu’à un programme ou à une équipe [51].  Durant toute la campagne, Antonio Barrette multiplie les grandes assemblées aux quatre coins du Québec.  Selon Pierre Laporte, il performe très bien, même s’il s’agit de sa première campagne et qu’il n’a aucune expérience de la télévision.  Contrairement à Duplessis, notait le journaliste, il « préfère discuter avec ses auditeurs, il essaie de réfuter l’argument de l’adversaire, il argumente ».  Sa tournure d’esprit était moins partisane que celle de son illustre prédécesseur, ses discours plus rationnels [52].  Contrairement à Duplessis, il s’engagea à faire construire un pont à Shawinigan même si la circonscription votait libérale [53] !  La campagne de Jean Lesage, un personnage que ses adversaires accusaient d’être hautain, misa davantage sur la proximité, des rencontres avec des électeurs [54] ; une campagne à l’américaine, répétait-on [55].  À quelques reprises, il a été question d’un affrontement direct entre les deux chefs.  Antonio Barrette ne fermait pas la porte à un débat contradictoire traditionnel, à la condition qu’il se tienne devant un public de partisans et qu’il porte sur le thème de l’autonomie provinciale [56].  Jean Lesage était aussi ouvert à un tel face-à-face [57] mais préférait le débat télévisé où seuls quelques journalistes poseraient des questions [58].  Comme il n’y eut aucune entente, le premier débat des chefs aura lieu en 1962. The Quebec campaign of 1960 was rather traditional, centered on the leaders.   “It’s time for a change” was the slogan of the Liberals; “To the heights”, that of the Union Nationale.  The Reds quickly scoffed at the unionist slogan:  “Towards the heights of corruption, unemployment, inaction …”, they choired!   The Union Nationale ran completely on the record of the preceding governments.  Strategic positioning was not that of “from now on” but, on the contrary, that of continuity, as if the past were guarantor of the future.  On several of the campaign photographs, Antonio Barrette appeared at the side of Maurice Duplessis and Paul Sauvé.  What was suggested throughout the publicity campaign of the Union Nationale is that in voting for this party, one trusted a man, more than a program or a team [51].   Throughout the campaign, Antonio Barrette drew large gatherings in the four corners of Quebec.  According to Pierre Laporte, he performed very well, even if it was his first campaign and he had no television experience.  Unlike Duplessis, noted the journalist, he “prefers to discuss with his listeners, he tries to refute the argument of the adversary; he argues”.   His turn of mind was less partisan than that of his illustrious predecessor, his speeches more rational [52].   Unlike Duplessis, he was committed to building a bridge in Shawinigan even if the riding voted Liberal [53] !   The campaign of Jean Lesage, a character called haughty by his adversaries, relied more on proximity, on meetings with the voters [54]; a so-called campaign American-style [55].  On a numer of occasions, it was a question of a direct confrontation between the two leaders.   Antonio Barrette did not close the door on a traditional debate, on condition that he stand before a public of partisans and that he speak on the subject of provincial autonomy [56].   Jean Lesage too was open to such a face-to-face discussion [57] but preferred the televised debate where only a few journalists would pose the questions [58].   As there was no agreement, the first leaders’ debate took place in 1962.
Durant toute la campagne, le thème de l’intégrité morale occupa une place importante.  Les abbés Gérard Dion et Louis O’Neill publièrent Le chrétien et les élections aux Éditions de l’Homme en pleine campagne.  Aux lendemains de l’élection de 1956, les deux clercs avaient dénoncé à mots couverts les méthodes de l’Union nationale dans un pamphlet ravageur qui avait beaucoup circulé.  Quatre ans plus tard, leur manuel d’éthique chrétienne rappelait qu’un bon catholique devait aussi être un bon citoyen, qu’il ne devait sous aucun prétexte vendre son vote ou monnayer son appui à un candidat pour services rendus.  Les députés, rappelaient-ils, n’étaient pas les « propriétaires » du pouvoir et de ses prébendes mais les « serviteurs du bien commun » [59].  L’ouvrage s’appuie sur des lettres du pape et des écrits officiels du Vatican.  Tout au long de la campagne, Le Devoir vante les succès du livre.  Intellectuel jésuite très respecté, le père Richard Arès prononce en pleine campagne une importante conférence au Club Richelieu sur le thème de l’intégrité dont fait écho Le Devoir.  « Se procurer, vendre son vote, se livrer à des violences ou au trafic de votes, que ce soit pour de l’argent, de l’alcool, une situation ou des honneurs, autant d’actes contraires à la morale du bien commun et en définitive à la vraie démocratie, autant d’actes qui tuent chez les citoyens le respect d’eux-mêmes et des autres, en même temps que le souci de l’intérêt général et le sens du devoir qu’impose à chacun la vie politique » [60].  Les ligues du Sacré-Cœur se mettent aussi de la partie et font signer aux candidats « un engagement en vue d’élections honnêtes » [61].  Tous signeront bien sûr, même le candidat libéral René Lévesque qui déclara cependant qu’une réglementation plus serrée devait sous peu remplacer les vœux pieux [62].  Est-ce l’effet cumulé de toutes ces bonnes intentions, toujours est-il que la campagne ne fut pas entachée par de retentissants scandales.  L’Union nationale reprocha aux Libéraux de se servir de leur énumérateur pour recruter des partisans alors que les libéraux accusèrent les unionistes d’utiliser Hydro-Québec pour placer les amis du régime.  « L’affaire Pelletier » fit un peu de bruit, mais surtout en fin de campagne.  Les Libéraux accusèrent Jos-D. Bégin d’avoir tenté d’acheter un certain Honoré Pelletier, cultivateur de Saint-Pacôme et candidat libéral dans Kamouraska en 1956.  Pour la modique somme de 3 200 $, versée par le ministre Bégin, M. Pelletier aurait renié son allégeance libérale et adhéré à l’Union nationale.  L’Union nationale réagit en intentant une poursuite en diffamation mais celle-ci fut rejetée à la toute veille de l’élection par la Cour des sessions de la paix.  Dans ses Mémoires, Barrette croit que cette affaire aurait fait très mal à son parti.  Il accusera même Bégin d’être le responsable de la défaite [63]. Throughout the campaign, the subject of moral integrity occupied an important place.  The abbots Gérard Dion and Louis O’Neill published Le Chrétien et les élections [The Christian and the Elections] with Éditions de l’Homme  while the campaign was in full swing.  Shortly after the election of 1956, the two clerics had denounced in minced words the methods of the Union Nationale in a devastating lampoon which had circulated widely.   Four years later, their handbook of Christian ethics recalled that a good Catholic must also be a good citizen, that he must on no pretext sell his vote or condition his support for a candidate on services rendered.  <u>The Members, they recalled, were not the “owners” of the power and its emoluments but the “servants of the community property”</u> [59].   The work was based on letters of the Pope and official writings of the Vatican.   Throughout the countryside, Le Devoir extolled the success of the book.   A very respected Jesuit intellectual, father Richard Arès, in mid campaign delivered an important lecture to the Richelieu Club on the subject of integrity which Le Devoir echoed.   “To procure, to sell one’s vote, to deliver onself to violence or to the traffic of votes, whether for money, alcohol, a situation or honors, so many acts contrary to the morals of the community property and ultimately to true democracy, such acts which kill the respect of the citizens for themselves and for others, as well as concern for the general interest and the meaning of the duty which the political life imposes on each” [60].   The Leagues of the Sacred Heart also took part and made the candidates sign “an engagement for honest elections” [61].   All signed of course, even the Liberal candidate René Lévesque who declared however that tighter regulation ought soon to replace pious vows [62]. [18]   Whether due to the cumulative effect of all these good intentions, the fact remains that the campaign was not tainted by resounding scandals.   The Union Nationale reproached the Liberals for using their enumerator to recruit partisans, whereas the Liberals accused the Unionists of using Hydro-Quebec to give jobs to friends of the regime.  “The Pelletier affair” made a little noise, but mostly at the end of the campaign.  The Liberals accused Jos-D. Bégin of having tried to buy a certain Honoré Pelletier, a farmer of Saint-Pacôme and the Liberal candidate in Kamouraska in 1956.   For the moderate sum of $3,200, paid by Minister Bégin, Mr. Pelletier would have disavowed his Liberal allegiance and joined the Union Nationale.   The Union Nationale reacted by bringing a law suit in defamation but this was dismissed at the outset of the election by the Court of sessions of the peace.  In his Memoirs, Barrette believes that this affair was very bad for his party.  He even accuses Bégin of being responsible for its defeat [63].
Dernière observation sur cette campagne traditionnelle :  les épouvantails habituels agités par l’Union nationale lors des campagnes précédentes ne trouvèrent bien peu d’écho.  Face à un parti libéral converti au nationalisme, les unionistes eurent du mal à se présenter comme les seuls authentiques défenseurs de l’autonomie québécoise.  Les nombreuses publicités présentant Jean Lesage comme un ancien ministre fédéral opposé à l’autonomie fiscale du Québec vont tomber à plat.  Il faut dire que le gouvernement d’Antonio Barrette s’entendait plutôt bien avec les Conservateurs au pouvoir à Ottawa [64].  Quant à l’épouvantail du communisme, il ne semble guère pris au sérieux par l’électorat.   Durant toute la campagne, René Lévesque fut plusieurs fois présentée comme un cryptocommunisteDans un entrefilet du 1er juin, le Montréal-Matin expliquait que « Pat Walsh, chef anticommuniste bien connu, a annoncé qu’il ferait la campagne contre René Lévesque », comme s’il était normal de surveiller René Lévesque en tant que communiste !  Le Devoir prit d’ailleurs un malin plaisir à se moquer de ces insinuations.  Le quotidien rapporta que dans Le Guide du Nord de Jacques Francoeur et dans Les Nouvelles Illustrées du jeune Pierre Péladeau, René Lévesque était présenté comme « l’ami de cœur » de Monsieur K. ! [65]  Pour l’Union nationale, il était décidément l’homme à abattre.  Les Libéraux lui demandent d’ailleurs d’animer une émission sur les ondes de CKAC.  Les foules sont nombreuses à chacune de ses présences.  Lors de la dernière grande assemblée de la campagne, c’est lui qu’on retrouve aux côtés de Jean Lesage et de Georges-Émile Lapalme.  Battu dans Laurier, l’Union nationale reportée au pouvoir aurait fondé une radio québécoise, de peur d’être infectée par la propagande gauchiste de René Lévesque [66] !  Le dernier épouvantail, celui d’un Parti libéral résolument hostile aux valeurs religieuses et à l’Église, est également agité par des partisans de l’Union nationale.  À la toute fin de la campagne, l’historien traditionnaliste Robert Rumilly fait circuler un pamphlet dans lequel il s’insurge contre la gratuité scolaire qui violerait les droits de l’Église.  Les cibles principales de l’historien sont Jacques Hébert, Jean-Louis Gagnon et René Lévesque.  Le 19 juin, il offre une causerie sur ce sujet à la radio (diffusée dans 9 postes, dont CKAC et CHRC), annoncée la veille dans Le Soleil.   Le titre de cette causerie commanditée par la Ligue pour l’Autonomie des Provinces est « L’infiltration gauchiste dans les élections provinciales ».  La réplique de Jean Lesage fut cinglante.  Selon ce que rapporte le journaliste du Devoir, le chef libéral aurait déclaré :  « Il a dit qu’il n’a pas de leçon de catholicisme à recevoir de cet “importé”, que le peuple canadien-français a réchauffé sur son sein pendant trop longtemps cette “vipère” qui le darde aujourd’hui dans ses idées » [67] ! A final observation on this traditional campaign:   the usual scarecrows agitated by the Union Nationale in prior campaigns found no small echo.  Faced with a Liberal party converted to nationalism [19], the Unionists had a hard time running as the only authentic defenders of Québec autonomy.   Numerous ads presenting Jean Lesage as a former federal minister who was opposed to Quebec’s fiscal autonomy, fall flat.  It should be said that the government of Antonio Barrette got along rather well with the Conservatives in power in Ottawa [64].   As for the scarecrow of Communism, the electorate hardly seems to have taken it seriously.  Over the course of the campaign, René Lévesque was depicted a number of times as a crypto-communist.  In a brief report on June 1st, the Montréal-Matin  explained why “Pat Walsh, the well-known anticommunist leader [20], announced that he would campaign against René Lévesque”, as if it were normal to view René Lévesque as a Communist ! [21]  Moreover, Le Devoir took malicious pleasure in poking fun at these insinuations. [22]  The daily newspaper reported that in the Guide to the North of Jacques Francoeur and in the Illustrated News of the young Pierre Péladeau, René Lévesque was presented as “the close friend” of Mr K. !  [23] [65]   For the Union Nationale, he was decidedly the man to beat.  The Liberals moreover ask him to host a broadcast at CKAC.   Crowds throng to each of his appearances.  During the last great gathering of the campaign, it is he who is found at the side of Jean Lesage and Georges-Emile Lapalme.  Beaten in Laurier, the Union Nationale when returned to power would have founded a Radio-Québec, for fear of being infected by the leftist propaganda of René Lévesque [66] !  The final scarecrow of a Liberal party resolutely hostile to religious values and to the Church, is also brandished by partisans of the Union Nationale.  At the very end of the campaign, traditionalist historian Robert Rumilly circulates a pamphlet in which he rails against free schooling, which would violate the rights of the Church.  The principal targets of the historian are Jacques Hébert, Jean-Louis Gagnon [24] and René Lévesque.  On June 19th, he hosts a talk on the subject over the radio (broadcast from 9 stations, including CKAC and CHRC), publicized the day before in Le Soleil.  The title of this talk, financed by the League for the Autonomy of the Provinces, is “The Leftist Infiltration of the Provincial Elections”.   The ripost of Jean Lesage was withering.  According to the report of the journalist from Le Devoir, the Liberal leader had declared:  “He said that he had no lessons on Catholicism to learn from this “import” [25], that the French-Canadian people have for too long warmed this “viper” in their midst who today strikes it in its mind.” [67] !
Le 22 juin 1960 était une belle journée ensoleillée et estivale.  Les bureaux de scrutin ouvraient à 9h00 et fermaient à 18h30.  Les employeurs devaient déjà libérer leurs employés trois heures pour aller voter.  Autour de chaque boîte de scrutin, un scrutateur, un greffier et des représentants de deux grands partis veillaient au bon déroulement du vote.  Quelques jours avant la journée historique, des bulletins marqués sont montrés en première page du Devoir, ce qui vaut au journal une visite de la Sûreté provinciale.  Le déroulement du scrutin est sans histoires, sauf dans quelques circonscriptions.  À Montréal, des problèmes sont signalés dans Saint-Louis, Laurier, Maisonneuve ; à Saint-Jean-sur-Richelieu, 25 personnes sont appréhendées pour intimidation ; à Québec, dans la circonscription de Québec-ouest, celle où se présente Jean Lesage, des partisans se sont nargués et les policiers ont été tenus en alerte toute la journée. The 22nd of June, 1960 was a beautiful sunny day and festive.  The polling offices opened at 9:00 and closed at 18:30.   Employers had already liberated their employees for three hours to go to vote.  Around each polling box, a teller, a clerk and representatives of two great parties saw to the good progress of the ballot.  A few days before the historic day, marked ballots were exhibited on the front page of Le Devoir, which earned the newspaper a visit from provincial police.  The poll progressed without incident in all but a few districts.   In Montreal, problems were indicated in Saint-Louis, Laurier, Maisonneuve.  In Saint-Jean-sur-Richelieu, 25 people were arrested for intimidation; in Quebec, in the riding of Quebec-West, where Jean Lesage himself was running, partisans were taunted and police were on alert all day.
À 19h38, Antonio Barrette est élu dans Joliette.  Dix minutes plus tard, c’est au tour de Frank Hanley, un candidat indépendant, de remporter la victoire dans Sainte-Anne.  La soirée est longue car les résultats semblent serrés.  Dans plus d’une vingtaine de circonscriptions, l’écart entre les deux principaux partis est de moins de 500 votes.  À la ligne d’arrivée, les Libéraux obtiennent 51,3% des votes et font élire 51 députés alors que l’Union nationale recueille 46,6% des votes et fait élire 43 députés.  Des ministres clefs comme Johnny Bourque, Paul Beaulieu, Jacques Miquelon et Antoine Rivard sont battus.  Le lendemain, Le Devoir titre « Les Libéraux au pouvoir » mais le Montréal-Matin ne concède pas officiellement la victoire aux Libéraux.  Sur leur première page on peut lire :  « Une lutte serrée.  L’hon Barrette réélu avec une majorité accrue » !  La Tribune de Sherbrooke a beau annoncé la « Victoire aux libéraux », son éditorial, intitulé « Un verdict populaire non définitif », se montre pour le moins mesuré : « Nous ne pouvons qualifier le verdict populaire.  La majorité paraît insuffisante pour assurer la stabilité gouvernementale.  Une nouvelle élection générale pourrait bien être déclenchée d’ici peu de mois ».  L’éditorial du Soleil parle d’une soirée électorale très « énervante », comparable à celles de 1935 ou 1944 [68]. At 19:38, Antonio Barrette is elected in Joliette.  Ten minutes later, Frank Hanley, an independent, is victorious in Sainte-Anne.  The evening is long because the results seem close.  In more than a score of districts, the difference between the two main parties is less than 500 votes.  At the finish line, the Liberals have 51,3% of the votes and elect 51 Members while the Union Nationale picks up 46,6% of the votes and elects 43 Members.  Key ministers such as Johnny Bourque, Paul Beaulieu, Jacques Miquelon and Antoine Rivard are beaten.  The following day, Le Devoir headlines:  “The Liberals to Power”, but the Montréal-Matin  does not officially concede victory to the Liberals.  On its front page one reads:  “A close fight.  The hon. Barrette re-elected with an increased majority” !   The La Tribune  of Sherbrooke justly announced “Victory to the Liberals”, its lead editorial entitled:  “a non-final popular verdict”, at the very least exhibits discretion:  “We cannot certify the popular verdict.  The majority appears insufficient to ensure governmental stability.   A new general election could well be underway within a few months”.  The Le Soleil editorial speaks of a “nerve-wracking” election night, comparable to those of 1935 or 1944 [68].
Le discours de victoire de Jean Lesage est donc, dans les circonstances, pour le moins triomphaliste.  « C’est plus qu’un changement de gouvernement, déclare-t-il, c’est un changement de la vie ».  Sur sa lancée, il poursuit :  cette « victoire est la victoire du peuple du Québec.  Le peuple méritait cette victoire.  Malgré les chaînes, il a voulu se libérer de l’esclavage » … Après son discours, un journaliste lui demande :  « Par où allez-vous commencer ? ».  Réponse de Lesage :  « Je tiens d’abord à avertir tous les ministres et les fonctionnaires de ne rien sortir du Parlement.  Nous prendrons les dispositions nécessaires pour que la lumière se fasse sur l’administration de l’Union nationale ».  Au lieu de féliciter ses adversaires comme le font généralement les leaders magnanimes, il les traite comme une bande de criminels !  Durant les jours qui suivent, il demande même à la police de monter la garde car il craint que les anciens ministres unionistes ne volent des documents.  Appuyé par son caucus, Antonio Barrette conserve son poste.  Incapable de s’entendre avec Bégin et Martineau, il claque cependant la porte quelques mois plus tard.  Un congrès déchirant tenu en 1961 optera pour Daniel Johnson.

 

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In the circumstances, Jean Lesage’s victory speech is to say the least triumphal.  “It’s more than a change of government,” he declares, “it’s a change of life”.   On this passado, he continues:   this “victory is the victory of the Quebec people.   The people deserved this victory.   In spite of its chains, it wanted to release itself from slavery” … After his speech, a journalist asks him:  “Where will you start? ”   Lesage replies:  “I will first make a point of informing all the ministers and civil servants to remove nothing from the Parliament.  We will take the necessary measures to bring the administration of the Union Nationale to light”.   Instead of congratulating his adversaries as magnanimous leaders generally do, he treats them like a band of criminals!  In the following days, he even asks police to mount guard because he fears that former Union ministers will thieve the documents.  Supported by his caucus, Antonio Barrette hangs onto his office.  Unable to agree with Bégin and Martineau, he will nonetheless slam the door a few months later.  A harrowing congress held in 1961 will opt for Daniel Johnson. [26]

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En 1960, les Québécois n’attendaient pas d’être « libérés » … Ils attendaient même assez peu de la politique, si l’on en croit l’enquête de Maurice Pinard.  Nul doute que la mort de Maurice Duplessis et de Paul Sauvé ainsi que la présence d’un gouvernement conservateur à Ottawa ont nui à l’Union nationale.  Cela dit, un programme un peu plus audacieux, quelques nouvelles recrues inspirantes auraient pu donner des ailes à ce parti qui pouvait toujours compter sur des appuis importants au sein de la population.  Cela dit, le Parti libéral a joué les bonnes cartes :  celle de l’intégrité ; celle de la vision ; celle d’une équipe compétente ; celle d’un nationalisme renouvelé ; celle surtout de la foi dans la politique.  Ce qui semble irrésistible dans la campagne libérale de 1960, c’est son élan, son énergie, l’espoir qu’elle suscite.  « Au pays du Québec, écrivait Louis Hémon dans son célèbre roman, rien n’a changé.  Rien ne changera, parce que nous sommes un témoignage.  De nous-mêmes et de nos destinées nous n’avons compris clairement que ce devoir-là : persister … nous maintenir … Et nous nous sommes maintenus, peut-être afin que dans plusieurs siècles encore le monde se tourne vers nous et dise :  “Ces gens sont d’une race qui ne pas sait pas mourir …”  Nous sommes un témoignage [69] ».  Or pour Jean Lesage, Georges-Émile LaPalme et René Lévesque, il ne fallait pas seulement durer mais vivre, pas seulement se maintenir mais s’affirmer, pas seulement survivre mais prendre sa place.  Au pays du Québec, les choses pouvaient changer, les choses allaient changer.  Il ne s’agissait peut-être pas d’un « changement de la vie » mais d’une nouvelle attitude face à l’action collective qui, pour le meilleur et pour le pire, allait profondément transformer le Québec. In 1960, Quebecers were not waiting to be “liberated” …  They likewise expected very little of politics, if one believes the study by Maurice Pinard.  There is no doubt that the deaths of Maurice Duplessis and Paul Sauvé as well as the presence of a conservative government in Ottawa were detrimental to the Union Nationale.  That said, a program a bit more daring, a few inspiring new recruits, could have leant wings to this party which had always been able to count on major public support.  However, the Liberal party played good cards:  those of integrity; vision; a competent team; a renewed nationalism; and above all, faith in politics.  What seems compelling in the Liberal campaign of 1960 is its flair, its energy, the hope it elicits.  “In the country of Quebec,” writes Louis Hémon in his famous novel, “nothing has changed.  Nothing will change, because we are a testimony.   Of ourselves and of our destinies we have clearly understood only this one duty:   to persist … to hold on … And we are holding on, perhaps so that in a few more centuries the world will turn to us and say:  ‘These people are of a race which does not know how to die …’   We are a testimony [69]”.   However, for Jean Lesage, Georges-Emile LaPalme and René Lévesque, one had not only to endure but to live, not only to hold on but to affirm himself, not only to survive but to take his place.  In the country of Quebec, things could change, things would change.  Perhaps it was not a “change of life” but a new attitude toward collective action which, for better and for worse, would deeply transform Quebec.
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Notes Notes

 

  Translator’s note:  Titles of books and articles below are put into English for the purpose of information; it is unknown whether they actually exist in English.

[1]  François Furet, Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978, p. 11-130.

[1]  François Furet, Think The French Revolution, Paris, Gallimard, 1978, pp. 11-130.

[2]  Deux exemples parmi d’autres :  Gilles Paquet, Oublier la Révolution
tranquille. Pour une nouvelle socialité
, Montréal, Liber, 1999 ; Vincent Geloso, Du Grand Rattrapage au Déclin TranquilleUne histoire économique et sociale du Québec de 1900 à nos jours, Montréal, Accent grave, 2013.

[2]  Two examples among others:  Gilles Paquet, Forget the Quiet RevolutionFor a new sociality, Montreal, Liber, 1999; Vincent Geloso, From the Great Catch-up to the Quiet DeclineAn Economic and Social History of Quebec from 1900 to the Present Day, Montreal, Accent Grave, 2013.

[3]  Ce discours convenu et largement partagé n’a pas donné lieu à des démonstrations très étoffées.  Deux exemples de ce regard porté sur la Révolution tranquille et sur la « Grande Noirceur » qui l’aurait précédée :  Jacques Pelletier, « La Révolution tranquille a-t-elle bien eu lieu ? », dans Yves Bélanger, Robert Comeau et Céline Métivier (dir.), La Révolution tranquille. 40 ans plus tard : un bilan, Montréal, vlb, 2000, p. 71-77 ; Andrée Lévesque, « À la recherche du temps dépassé », Le Devoir, 23 mars 2004.

[3]  This agreed-upon and widely disseminated speech did not result in very crowded demonstrations.  Two examples of this view of the Quiet revolution and the “Great Darkness” which allegedly preceded it:  Jacques Pelletier, “Did the Quiet Revolution really happen?”, in Yves Bélanger, Robert Comeau and Céline Métivier (eds.), The Quiet revolution 40 years later:  an assessment, Montreal, vlb, 2000, p. 71-77; Andrée Lévesque, “In search of the past”, Le Devoir, March 23rd, 2004.

[4]  Yvan Lamonde, « Malaise dans la culture québécoise :  les méprises à propos de la Révolution tranquille » dans Guy Berthiaume et Claude Corbo (dir.), La Révolution tranquille en héritage, Montréal, Boréal, 2011, p. 17.

[4]  Yvan Lamonde, “Uneasiness in Québec Culture:  Mistakes in Connection with the Quiet Revolution” in Guy Berthiaume and Claude Corbo (Eds.), The Quiet Revolution as Heritage, Montreal, Boréal, 2011, p. 17

[5]  Sauf exception indiquée en note de bas de page, les données de cette partie ont été puisées dans Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert et François Ricard, Histoire du Québec contemporain, tome 2. Le Québec depuis 1930, Montréal, Boréal, 1989.

[5]  Except as otherwise indicated in footnotes, the data in this segment were taken from Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert et François Ricard, History of Contemporary Quebec, volume 2Quebec since 1930, Montreal, Boreal, 1989.

[6]  Denyse Baillargeon, Un Québec en mal d’enfants.  La médicalisation de la maternité, 1910-1970, Montréal, Remue-Ménage, 2004.

[6]  Denyse Baillargeon, A Quebec Bad for Children.  The medicalisation of Maternity, 1910-1970, Montreal, Remue-Ménage, 2004.

[7]  Vincent Geloso, Du Grand Rattrapage au Déclin Tranquille, op.
cit.
, p. 80.

[7]  Vincent Geloso, From the Great Catch-up to the Quiet Decline, Op cit., p. 80.

[8]  Jean-Louis Roy, La marche des Québécois. Le temps des ruptures (1945-1960), Montréal, Leméac, 1976, p. 69.

[8]  Jean-Louis Roy, The March of the QuébécoisThe Time of Ruptures (1945-1960), Montreal, Leméac, 1976, p. 69.

[9]  Pierre Fortin, « La Révolution tranquille et l’économie : ou étions-nous, que visions-nous, qu’avons-nous accompli ? » dans Guy Berthiaume et Claude Corbo (dir.), La Révolution tranquille en héritage, op. cit., p. 97.

[9]  Pierre Fortin, “The Quiet Revolution and the Economy:  Where Were We, What Was Our Goal, What Did We Achieve?” in Guy Berthiaume and Claude Corbo (Eds.), The Quiet Revolution as Heritage, Op cit., p. 97.

[10]  Jacques Rouillard, « La Révolution tranquille :  rupture ou tournant ? », Revue d’études canadiennes, hiver 1998, vol. 32, no 4, p. 29.

[10]  Jacques Rouillard, “The Quiet Revolution:  Rupture or Turning Point?”, Review of Canadian Studies, Winter 1998, vol. 32, No 4, p. 29.

[11]  Ibid., p. 27.

[11]  Ibid., p. 27.

[12]  Pierre Fortin, loc. cit., p. 94.

[12]  Pierre Fortin, loc. cit., p. 94.

[13]  Vincent Geloso, Du Grand Rattrapage au Déclin Tranquille, op.
cit.
, p. 56.

[13]  Vincent Geloso, From the Great Catch-up to the Quiet Decline, op.
cit.
, p. 56.

[14]  Pierre Louis Lapointe, « L’Office de l’électrification rurale (1945-1964), enfant chéri de Maurice Le Noblet Duplessis » dans Xavier Gélinas et Lucia Ferretti (dir.), Duplessis, son milieu, son époque, Québec, Septentrion, 2010, p. 152-174.

[14]  Pierre Louis Lapointe, “The Office of Rural Electrification (1945-1964), cherished child of Maurice Noblet Duplessis” in Xavier Gélinas and Lucia Ferretti (eds.), Duplessis, His Milieu, His Time, Quebec, Septentrion, 2010, p. 152-174.

[15]  Vincent Geloso et Pierre Fortin utilisent des indices différents pour faire valoir leurs points de vue.

[15]  Vincent Geloso and Pierre Fortin use different indices to advance their points of view.

[17]  André Raynauld, La propriété des entreprises au Québec, les années 60,
Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1974, p. 81.

[17]  André Raynauld, Company property in Quebec, the Sixties, Montreal, Presses de l’Université de Montréal, 1974, p. 81.

[18]  Jacques Rouillard, Le syndicalisme québécois. Deux siècles d’histoire, Montréal, Boréal, 2004, p. 122.

[18]  Jacques Rouillard, Québec trade unionism.  Two centuries of history, Montreal, Boréal, 2004, p. 122.

[19]  Presse canadienne, « Le secteur domiciliaire du bâtiment ne va plus », Le Soleil, 18 juin 1960, p. 1.

[19]  Canadian Press, “The residential building sector isn’t working any more”, Le Soleil, June 18th, 1960, p. 1.

[20]  Xavier Gélinas, La droite intellectuelle et la Révolution tranquille, Québec, Presses de l’Université Laval, 2007 ; Michael D. Behiels, Prelude to Quebec’s Quiet Revolution.  Liberalism versus neo-nationalism, 1945-1960, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1985.

[20]  Xavier Gélinas, The Intellectual Right and the Quiet Revolution, Quebec, Laval University Presses, 2007; Michael D. Behiels, Prelude to Quebec’s Quiet Revolution.  Liberalism versus neo-nationalism, 1945-1960, Montreal and Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1985.

*Note:  Behiels writes items for the online Canadian Encyclopedia.

[21]  Michael Gauvreau, Les origines catholiques de la Révolution tranquille, Montréal, Fides, 2008 ; Louise Bienvenue, Quand la jeunesse entre en scèneL’Action catholique avant la Révolution tranquille, Montréal, Boréal, 2003 ; Martin-M. Meunier et Jean-Philippe Warren, Sortir de la « Grande Noirceur ».  L’horizon « personnaliste » de la Révolution tranquille, Québec, Septentrion, 2002.

[21]  Michael Gauvreau, The Catholic Origins of the Quiet Revolution, Montreal, Fides, 2008; Louise Bienvenue, When youth enters the scene.  The Action Catholique faced with the Quiet Revolution, Montreal, Boreal, 2003; Martin-M. Meunier and Jean-Philippe Warren*, Exiting the “Great Darkness”.  The “personalist” horizon of the Quiet Revolution, Quebec, Septentrion, 2002.

* Jean-Philippe Warren has written on the desire of “former” Marxist-Leninist leaders in Quebec (including Jean-François Lisée) for a Communist country of Canada from coast to coast.

[22]  Danielle Gauvreau, Diane Gervais, Peter Gossage, La fécondité des Québécoise 1870-1970, Montréal, Boréal, 2007, p. 135-155.  Cette baisse de la fécondité, qui débute bien avant les années 1950, est cependant plus forte dans les villes qu’à la campagne.

[22]  Danielle Gauvreau, Diane Gervais, Peter Gossage, The Fertility of the Québécoises from 1870-1970, Montreal, Boréal, 2007, pp. 135-155.  This drop in fertility, which begins well before the 1950s, is however more pronounced in cities than in the countryside.

[23]  Denyse Baillargeon Brève histoire des femmes au Québec, Montréal, Boréal, 2012, p. 157 et 166.

[23]  Denyse Baillargeon, A Short History of Women in Quebec, Montreal, Boréal, 2012, p. 157 and 166.

[24]  « Faute d’argent, le PSD ne participera pas à la campagne mais il invite les "dégoûtés" à annuler leur vote », Le Devoir, 9 juin 1960, p. 1.

[24]  “For lack of money, the PSD will not take part in the campaign but it invites the “disgusted” to cancel their vote”, Le Devoir, June 9th, 1960, p. 1.

[25]  Alain Lavigne, Duplessis, pièce manquante d’une légende.  L’invention du marketing politique, Québec, Septentrion, 2012.

[25]  Alain Lavigne, Duplessis, the Missing Piece of a Legend.  The Invention of Political Marketing, Quebec, Septentrion, 2012.

[26]  Xavier Gélinas, « Duplessis et ses historiens, d’hier à demain » dans Xavier Gélinas et Lucia Ferretti (dir.), op. cit., p. 19-20.

[26]  Xavier Gélinas, “Duplessis and his historians, from yesterday to tomorrow” in Xavier Gélinas and Lucia Ferretti (Eds.), Op cit., p. 19-20.

[27]  Jean-Charles Panneton, Pierre Laporte, Québec, Septentrion, 2012, p. 135-136 ; Jocelyn Saint-Pierre, Histoire de la tribune de la presse à Québec, 1871-1959, Montréal, vlb, 2007, 266-270.

[27]  Jean-Charles Panneton, Pierre Laporte, Quebec, Septentrion, 2012, pp.
135-136; Jocelyn Saint-Pierre, History of the platform of the press in Quebec, 1871-1959, Montreal, vlb, 2007, 266-270.

[28]  En 1958 et 1959, Jean Drapeau effectue une grande tournée du Québec.  Plusieurs pensaient alors qu’il pourrait monter une équipe pour l’élection de 1960.  En 1959, il publie l’embryon d’une plate-forme.  Voir Susan Purcell et Brian McKenna, Jean Drapeau, Montréal, Stanké, 1981, p. 125-156 ; Jean Drapeau vous parle, Montréal, éditions de l’Homme, 1959.

[28]  In 1958 and 1959, Jean Drapeau carried out a major tour of Quebec.  Some thought at the time that he might assemble a team for the election of 1960.  In 1959, he published the embryo of a platform.  See Susan Purcell and Brian McKenna, Jean Drapeau, Montreal, Stanké, 1981, pp. 125-156; Jean Drapeau speaks to you, Montreal, éditions de l’Homme, 1959.

[29]  Jean-Louis Roy, Les programmes électoraux du Québec, tome II, 1931-1966, Montréal, Leméac, 1971, p. 374-378.

[29]  Jean-Louis Roy, Quebec Electoral Campaigns, volume II,
1931-1966, Montreal, Leméac, 1971, pp. 374-378.

[30]  Lucien Langlois, « Simplement et honnêtement », Montréal-Matin, 9 mai 1960, p. 2.

[30]  Lucien Langlois, “Simply and honestly”, Montréal-Matin, May 9th, 1960, p. 2.

[31]  « Il n’y pas de meilleur programme », Montréal-Matin, 1er juin 1960, p. 4.

[31]  “There is no better program”, Montréal-Matin, June 1st, 1960, p. 4.

[32]  Les électeurs québécois.  Attitudes et opinions à la veille de l’élection de
1960, Groupe de recherches sociales, Montréal, 1960, 225 p.

[32]  Québec voters.  Attitudes and opinions the day before the election of 1960,
Social Research Group, Montreal, 1960, 225 pp.

[33]  Ibid., p. 66.

[33]  Ibid., p. 66.

[34]  Ibid., p. 84.

[34]  Ibid., p. 84.

[35]  Ibid., p. 103.

[35]  Ibid., p. 103.

[36]  Ibid., p. 144.

[36]  Ibid., p. 144.

[37]  Ibid., p. 176.

[37]  Ibid., p. 176.

[38]  On retrouve l’expression dans Paul Labonne, Paul Sauvé. Désormais, l’avenir
(1907-1960), Montréal, Point de fuite, 2003, p. 87.

[38]  The expression is found in Paul Labonne, Paul Sauvé.  From now on, the future (1907-1960), Montreal, Location of the Leak, 2003,
p. 87.

[39]  Le niveau d’imposition serait passé de 9 à 10%, et le niveau d’imposition du fédéral aurait diminué en proportion.

[39]  The level of taxation would have gone from 9 to 10%, and the level of federal taxation would have decreased in proportion.

[40]  Antonio Barrette, Mémoires, Montréal, Beauchemin, 1966, p. 231.

[40]  Antonio Barrette, Memoirs, Montreal, Beauchemin, 1966, p. 231.

[41]  Pour le remercier de son action, l’Université McGill lui remet un doctorat honoris causa  de l’Université McGill en pleine campagne électorale.  Voir la photo en première page du Montréal-Matin du 31 mai 1960.

[41]  To thank him for his action, McGill University presents him with a doctorate honoris causa in full electoral campaign.  See the photograph on the first page of the Montréal-Matin of May 31st, 1960.

[42]  Jean-Claude Deschênes, « La Révolution tranquille et les réformes de la santé », dans Yves Bélanger, Robert Comeau et Céline Métivier (dir.), La Révolution tranquille 40 ans plus tard, op. cit., p. 293.

[42]  Jean-Claude Deschênes, “The Quiet Revolution and health reforms”, in Yves Bélanger, Robert Comeau and Céline Métivier (to dir.), The Quiet Revolution 40 Years Later, Op cit., p. 293.

[43]  Antonio Barrette, Mémoires, op. cit., p. 241.

[43]  Antonio Barrette, Memoirs, op. cit., p. 241.

[44]  Ibid., p. 244.

[44]  Ibid., p. 244.

[45]  Gérard Filion, « Un document sur lequel l’électorat pourra porter un jugement
 », Le Devoir, 11 mai 1960, p. 4.

[45]  Gerard Filion, “A document on which the electorate will be able to pass judgment”, Le Devoir, May 11th, 1960, p. 4.

[46]  Sur cette autonomisation du Parti libéral du Québec lire Michel Lévesque, Le Parti libéral du Québec et les origines de la Révolution tranquille :  le cas de la Fédération libérale du Québec (1950-1960), Thèse (Ph.D.), Département d’histoire, Université du Québec à Montréal, 1997.

[46]  On this autonomisation of the Liberal Party of Quebec, read Michel Lévesque, “The Liberal Party of Quebec and the Origins of the Quiet Revolution:  the Case of the Liberal Federation of Quebec (1950-1960)”, Thesis (Ph.D.), Department of History, University of Quebec at Montreal, 1997.

[47]  Selon François Aquin, président des jeunes libéraux en 1960, la F.L.Q. comptait 110 000 membres en 1963.  François Aquin, « Jean Lesage, un rassembleur démocrate » dans Robert Comeau (dir.), Jean Lesage et l’éveil d’une nation, Québec, Presses de l’Université du Québec, 1989, p. 41.

[47]  According to François Aquin, president of the Young Liberals in 1960, the F.L.Q. numbered 110,000 members in 1963.  François Aquin, “Jean Lesage, a democratic rallier” in Robert Comeau (Dir.), Jean Lesage and the awakening of a nation, Québec, Presses de l’Université du Québec, 1989, p. 41.

[48]  Georges-Émile Lapalme, Pour une politique.  Le programme de la Révolution tranquille, Montréal, vlb éditeur, 1988 ; Michel Lévesque, op. cit., p. 455.

[48]  Georges-Émile Lapalme, For a policy.  The program of the Quiet Revolution, Montreal, vlb editor, 1988; Michel Lévesque, Op cit., p. 455.

[49]  Cité dans Michel Lévesque, op. cit., p. 464.

[49]  Cited in Michel Lévesque, op. cit., p. 464.

[50]  « L’un des faits les plus remarquables de la présente campagne électorale, c’est la participation massive de l’électorat féminin aux diverses manifestations politiques.  C’est un signe que les femmes prennent un intérêt croissant à la chose publique.  Se seraient-ils aperçues que la politique et que la province a besoin d’un bon ménage ? » dans « Échos de campagne », Le Devoir, p. 1, 20 juin 1960.

[50]  “One of the most remarkable facts about this electoral campaign is the massive participation of the female vote at the various political demonstrations.  It is a sign that women are taking a growing interest in the public thing.  Might they have realized that policy and the province needed a good housecleaning? ” in “Echoes of the campaign”, Le Devoir, p. June 1st, 20th
and th 1960.

[51]  Dans ses Mémoires, Barrette ne se montre pas complètement satisfait de la publicité.  Il aurait souhaité qu’on insiste davantage sur son règlement universitaire.  Antonio Barrette, Mémoires, op. cit., p. 259.

[51]  In his Memoirs, Barrette doesn’t seem completely satisfied with the publicity. He would have liked to see more emphasis placed on his university settlement.  Antonio Barrette, Memoirs, Op cit., p. 259.

[52]  Pierre Laporte, « M. Antonio Barrette fait une campagne électorale bien différente – en mieux — de celles de M. Duplessis », Le Devoir, 4 juin 1960, p. 1.

[52]  Pierre Laporte, “Mr. Antonio Barrette is running a very different — and better –electoral campaign than those of Mr. Duplessis”, Le Devoir, June 4th, 1960, p. 1.

[53]  « Promesse sans condition de l’hon. Barrette.  Construction du pont à Shawinigan », Montréal-Matin, 14 juin 1960, p. 1.

[53]  “Promise without condition of the hon. Bar. Construction of the bridge with Shawinigan”, Montréal-Matin, June 14th, 1960, p. 1.

[54]  Pierre Laporte, « MM. Barrette et Lesage ont leurs méthodes personnelles pour convaincre les électeurs », Le Devoir, 17 mai 1960, p. 1.

[54]  Pierre Laporte, “Messrs. Barrette and Lesage have their personal methods for convincing the voters”, Le Devoir, May 17th, 1960, p. 1.

[55]  Pierre Laporte, « M. Lesage a fait une campagne originale et intelligente — Elle fut passionnante pour ceux qui l’ont faite avec lui », Le Devoir, 18 juin 1960, p. 1.

[55]  Pierre Laporte, “Mr. Lesage conducted an original and intelligent campaign — It was enthralling for those who ran it with him”, Le Devoir, June 18th, 1960, p. 1.

[56]  Lucien Langlois, « Une assemblée contradictoire », Montréal-Matin, 18 mai 1960, p. 2.

[56]  Lucien Langlois, “A public debate”, Montréal-Matin, May 18th, 1960,
p. 2.

[57]  « M. Lesage :  je suis prêt à rencontrer M. Barrette en assemblée contradictoire », Le Devoir, 19 mai 1960, p. 1.

[57]  “Mr. Lesage: I am ready to meet Mr. Barrette in a public debate”, Le Devoir, May 19th, 1960, p. 1.

[58]  « Échos de campagne », Le Devoir, 24 mai 1960, p. 1.

[58]  “Campaign Echoes”, Le Devoir, May 24th, 1960, p. 1.

[59]  Gérard Dion et Louis O’Neil, Le chrétien et les élections, Montréal, Éditions de l’Homme, 1960, p. 26.

[59]  Gerard Dion and Louis O’ Neil, “The Christian and the Elections”, Montreal, Éditions de l’Homme,
1960, p. 26.

[60]  Père Richard Arès s.j., « Si l’on veut des élections démocratiques et morales, le 22 juin », Le Devoir, 26 mai 1960, p. 6.

[60]  Father Richard Arès s.j., “If moral and democratic elections are desired on June 22nd”, Le Devoir, May 26th, 1960, p. 6.

[61]  Le Devoir, 3 juin 1960, p. 1.

[61]  Le Devoir, June 3rd, 1960, p. 1.

[62]  « Lévesque :  il faut plus que vouloir un scrutin honnête, il faut une action énergique », Le Devoir, 20 juin 1960, p. 1.

[62]  “Lévesque:  more than an honest election is necessary, energetic action is needed”, Le Devoir, June 20th, 1960, p. 1.

[63]  Antonio Barrette, Mémoires, op. cit., p. 262-263.

[63]  Antonio Barrette, Memoirs, Op cit., pp. 262-263.

[64]  Voir, sur cette question, l’analyse d’André Laurendeau, « Ce qui a changé », Le Devoir, 4 juin 1960, p. 4.

[64]  See, on this question, the analysis of André Laurendeau, “What has changed”, Le Devoir, June 4th, 1960, p. 4.

[65]  « Échos de la campagne », Le Devoir, 13 mai 1960, p. 1. ; « Échos de la campagne », Le Devoir, 26 mai 1960, p. 1.

[65]  “Campaign Echoes”, Le Devoir, May 13rd, 1960, p. 1.; “Campaign Echoes”, Le Devoir, May 26th, 1960, p. 1.

[66]  On sait qu’un mystérieux « René Lévesque » se présentera aussi dans la circonscription de Montréal-Laurier.  Le Devoir du 10 juin le présente comme un barbu qui « écrit des vers et passe une partie de ses nuits dans un établissement de "Beatniks" de la rue Clark » !

[66]  We know that a mysterious “René Lévesque” will also run in the Montréal-Laurier riding.  Le Devoir of June 10th presents him as a guru who writes verse and spends a part of his nights in a “Beatnik” hang-out on Clark Street”!

[67]  « Lesage dénonce "l’opération gauchisme" de l’U. Nationale et fait l’éloge de René Lévesque », Le Devoir, 20 juin 1960, p. 1.

[67]  “Lesage denounces ‘the leftist operation’ of the Union Nationale and speaks in praise of René Lévesque”, Le Devoir, June 20th, 1960, p. 1.

[68]  « Une nouvelle équipe à la direction de la province », Le Soleil, 23 juin 1960, p. 4.

[68]  “A new team leads the province”, Le Soleil, June 23rd, 1960, p. 4.

[69]  Louis Hémon, Maria Chapdelaine, Paris, Maxi-Livres, 2001, p. 157-158.

[69]  Louis Hémon, Maria Chapdelaine, Paris, Maxi-Livres, 2001, pp. 157-158.